Est-ce ce qui pouvait m'arriver
de mieux ?
La première vague.
Je suis âgée de quelques
semaines, embryon au coeur de l'action.
Insurmontable et une première,
au moins pour moi, finalement pour eux aussi mes parents. L'océan
jusque-là avait été à peu près calme, sinon cette agitation qui
semble être un des fondements de ma mère. Qu'est-ce qui se passe ?
Qu'est-ce qu'on me veut ? Je décide de ne pas répondre tant
qu'on ne me donnera pas les motivations qui ont fait venir une telle
houle.
Dans le ventre de ma mère
c'était impeccable jusque-là et même les échos qui me parvenaient
du dehors.
Les vaches qui meuglent (mes parents ont travaillé dans le café des
anciens abattoirs de la ville de Metz dans les années 60, et si tant
est qu'un embryon entend),
les bruits de ma mère qui bosse dans la cuisine et ses rages
parfois. Il
y a de la vie dans la vie avec cette femme-là. Parfois dans cette
espèce de nuit, je les entends murmurer. Il y a du boulot et parlent
de moi aussi. Celle qui va devenir ma mère vocifère, plaisante,
rit. Aime. Il a l'air de s'en passer des choses...
Ils ne veulent pas de moi, les
deux, du moins c'est ce qu'ils sont en train de se dire. Fardeau, ça
commence ainsi. Comme dans les contes si exactement. Gênée, et
cette vague qui veut tout dire. Hop ! Je surmonte, sursaute et
me passent dessus des éléments de chimie envoyés. Je bois la
tasse. La vague est venue et a crue tout emporter. C'était mal me
connaître, en ma qualité d'enfant-poissons.
Synergon :
« Il
contient un
oestrogène et un progestatif, il intervient dans le traitement
ponctuel de l'arrêt des règles chez une patiente non-enceinte ».
Six injections, comme ma mère le dit au médecin, montrant sans
aucun doute qu'elle sait ce qu'elle veut.
« Combien d'injections? Lui
demande le médecin.
- Six Docteur.. !? »
Au pif. Elle m'a raconté souvent comment elle avait été maline.. à
moi, rigolarde aussi finalement.
Ils savent alors tous deux, le
médecin et ma mère, que ça marchera, ou pas. Ce qui est attendu ou
plutôt refusé. Ce médecin aura au moins posé la question en toute
discrétion.
« Six piqûres... »
et c'est dans la poche. Ok, la dame sait ce qu'elle risque. On y va !
Nous sommes vers la fin de l'année 1959.
Synergon :
« Certains
produits pharmaceutiques sont aussi réputés pour leurs propriétés
abortives. Il s’agit essentiellement de médicaments déconseillés
en cas de grossesses et utilisés en surdosage : les
antipaludéens (la nivaquine, la quinine), des hormones (comme le
crinex, le synergon) ».
C'est
possible tout ça, toute cette fin programmée puisque je ne suis pas
entièrement fabriquée, pas finie, un petit machin qui s'agite à
peine, au gré de la mère, et s'efforce de se maintenir à flot.
Alors ce n'est pas si grave. Et je ne défilerai toujours pas à
l'avenir avec les défenseurs de la vie des foetus, quand déjà ils
n'aiment personne, eux, et ne se doutent pas que c'est bien plus
compliqué, bien plus douloureux. Après la Loi de 1975, se faire
avorter devient presque un rite de passage, aussi mal protégées
déjà ou encore.
La première piqûre je pense est
la plus difficile et peut-être la dernière autant, et toutes celles
qui me viendront, les quatre autres auxquelles je ne me peux pas
m'habituer. La piqûre est un univers médical qui me désigne. Ils
me font junkie, mais accrochée à quoi ?
|
Fantine (Les misérables de Victor HUGO) |
La deuxième injection, c'est un
autre rendez-vous qui devient une habitude. Même heure et même
lieu. Une odeur de chlore, un truc d'asepsie qui hante. Le médecin
n'est plus là, c'est une infirmière qui prend le relais. Une
bonne-soeur rien que pour moi... Vous m'en direz tant ! Elle
fait le job.
Et ils espèrent qu'un jour je
leur donnerai du « Ma » soeur ?
Jamais.
Rien, pas même un « mon »
commandant, un « Maître » au sujet des avocats ou
« Docteur » pour les médecins.
C'est ridicule et je leur ris au
nez, c'est ce qu'il me reste de la houle.
Parce qu'ils auraient ces
fonctions-là je ne m'en moquerai pas ? C'est originel, comme
dans Molière. Diafoirus ou Tartuffes, ils ont tous menti et la loi
avec.
On
reconstruira ensemble...
Enfin quand ce mot-là aura à nouveau un sens pour moi. Ou pour
vous.
Waouh ! Une autre vague à
peu près similaire, comme si je devais dormir, leur filer entre les
pattes, m'exclure à coup de progestérone. Je n'entends rien quand
ces substances passent en moi, me traversent et s'en vont. Un vrai
silence de mort, jusqu'à me demander ce qui me reste. Amibe
désemparée cherche issue. Alors que je suis bien accrochée là et
aussi à un cordon déterminant.
La deuxième piqûre, c'est aussi
que les gens sont décidés à aller jusqu'au bout. Alors quelle
peut-être ma réponse. « J'arrive !? » Je n'ai
jamais rien fait d'autre.
|
Stella-Plage |
Pas seule à l'avoir reçue la
deuxième.
En 1921, le Synergon sévissait
déjà – et je le sais de source sûre – utilisé aux mêmes
fins, l'avortement.
C'est en toute lettre maintenant
sur l'internet. Sacrés chimistes !
Je ne sais plus quand ma mère
m'a avoué ce crime (puisqu'elle aimait s'essayer à dire « tout »),
comme étant d'ailleurs le leur à mes parents. Et c'est bien après
que mon père soit mort, bien plus tard que je l'ajoutais à la
scène. C'était simplement vertigineux. Avant, je n'y avais pas
pensé parce que tout cela se passait physiquement entre ma mère et
moi.
Elle me l'a dit comme une sorte
de laisser-passer. Un message depuis le faire-passer... C'est ainsi
que je le considère. Un miracle qu'elle l'ait fait, me le dire, et
je le sais mieux encore en vieillissant puisque ça m'en donne la
possibilité. Ma mère consciente que certains secrets peuvent tuer
et je ne sais trop comment elle pouvait savoir cela.
Mon père ce héros n'attendait sûrement
pas dans la salle d'attente, ça m'étonnerait. A la rigueur dans la
voiture, tout cela ne prenant pas beaucoup de temps.
C'est d'ailleurs aussi après ma
naissance que mon père conseilla à ma mère de passer son permis.
Un fond d'indépendance. CQFD.
Ne redoutez-pas les gros mots,
puisque certains disent vrais quoique vous déconstruisiez. Les faits
et rien qu'eux. C'était un crime au nom de la loi et ne parlons pas
du fait religieux ayant ses propres lois. La bonne-soeur s'en fiche,
elle fait son boulot.
Peut-être est-ce à la deuxième
piqûre que j'imagine que j'ai mon mot à dire. Et le silence de mort
qui règne quand je suis absorbée, finira-t-il par m'effacer
finalement ?
Ainsi
longtemps j'ai exclu mon père de ces tentatives de meurtre – dixit
Dolto dans je ne sais quel ouvrage, puisque je n'ai pas noté, mais
où elle parle bien oui de « tentative
de meurtre ».
Shoking..?
Juste parce qu'elle écrit simplement la vérité ? Et là il
n'y en a pas d'autre.
A
chaque injection, ils se sont demandés si ça allait marcher.
Rien ne vient et surtout pas le sang. Six balles dans la peau. C'est
pas pareil ? Des euphémismes ?
J'ai bassiné mes proches avec
cette histoire. Mais je voyais bien qu'elle ne les intéressait pas.
Et je pense que ma mère me l'a
léguée en état d'urgence. Être enceinte n'a jamais été son
kiff. Des accidents, nous l'étions tous les quatre. Certains étaient
flashés.
La troisième vague. Au secours !
Ils persistent et ma mère doit deviser à peu près joyeusement avec
la frangine. Si c'est six piqûres, ça ne marchera pas à la
troisième. C'est à moi de jouer.
Le silence de mort dont est fait
chaque instant, cette comète de progestérone contre laquelle je
dois me battre pour qu'elle ne me gagne pas en entier. A mi-chemin je
m'interroge. Peut-être ai-je déjà deux neurones ? Je souffle
en moi-même, me faisant aussi grosse que le boeuf.
Ça va marcher.
Je savais, je la connaissais
cette histoire qu'ensuite ma mère me racontera à l'envie comme je
la questionnais. Même si ça restera quelque chose que je ne
comprendrai seulement que pas à pas. Pas la fin du monde puisque j'y
suis entrée. De mon plein gré. Personne ne pourra m'enlever ça.
J'étais décidée et me suis musclée contre ces atteintes à ma
personne qui n'était encore personne.
Ce n'était pas de haine dont-il
était question les concernant mes futurs parents. Loin de là.
C'était la présence d'autres questions, de nouvelles, comme la
perspective s'installe précocement et pour de bon.
La haine seule ? Je ne serai
pas là.
Si le choix existait pour
quelqu'un, c'est bien pour moi. On me menace, je tends le dos.
Ces deux-là et leurs murmures
blessés, je décidais d'essayer de m'en approcher encore, malgré
tout. Qu'est-ce qu'ils diraient encore pour que je ne participe pas à
cette histoire ? Comme si j'avais aussi un droit de vie ou de
mort. Je décidais d'attendre. Pas sûre d'avoir la résistance
désirée.
Qu'est-ce que j'ai perdu ?
Et ne serait-ce pas une sorte de carapace, un truc qu'on m'aurait ôté
au dedans. Maintenant plutôt au dehors, bien sûr. Fiévreuse.
Alors un des jours les
plus important de ma vie peut-être, je le feuillette, je le trouve
dans un livre (on s'étonne que ça sauve, ou pas, mais moi j'en suis
certaine). Autre rencontre décisive et fortuite. Jusqu'à
aujourd'hui, comme on grandit auprès d'un cèdre.
Je
suis en vacances et me suis achetée Le
vif du sujet de
Edgar
Morin.
Pour le titre et parce qu'il va y raconter aussi sa vie. Je le
connais peu, mais dans les années 80, il en est question. Son nom
résonne déjà puisque le livre date des années 60. Il y raconte
son histoire, ses idées en y mêlant tous ces questionnements à la
fois. Arrivée au premier tiers du livre, je vais plus loin au hasard
et tombe – pas moins – sur le mot Synergon. Qu'est-ce qu'il
raconte ? L'histoire des vagues ? Enfin à peu près. Les
siennes et donc les nôtres. Les miennes.
J'ai
toujours senti dans ces six injections qui nous ont marquées, et
donnaient à ma naissance un caractère shakespearien, comme
l'histoire de la forêt qui s'avance dans Macbeth.
Prédiction, prédilection, prophétie. « L'homme qui ne sera
pas né d'une femme »... Ceux qui auront passés les six
vagues…
Quatrième injection. Pouvais-je
acquérir autre chose qu'une mémoire telle que la mienne à ce
moment-là justement ? Du silence que des progestérones auront
convoqué, à l'irruption du souvenir et comme il vous colle parfois,
et celui de l'avenir. On ne revient pas de tout.
Toutes les répétitions se font
sentir. La mémoire devenant une vision et s'y autorisant pour
pouvoir rester. C'est l'avenir, le nôtre, qui est en jeu. Cet homme
cette femme, père et mère, et dont les murmures finissent par
enchanter. Ils sont inquiets. Et à la quatrième piqûre, je ne suis
pas sûre de pouvoir imaginer, peut-être déjà leur déception. Et
autre chose. On sait que le procédé ne marche pas à tous les
coups.
Cette espèce de culpabilité,
ils l'ont d'avant. Pas forcément me concernant seule. Pas au point
de ne pas m'accueillir à la fin. Puisqu'on connaît la fin et
qu'elle s'écrit.
Les fausse couches n'ont pas du
tout le même sens pour des gens qui sont nés dans les années 20
qu'aujourd'hui, tout de même plus monnaie courante qu'à notre
époque. Et pour d'obscures raisons parfois aussi.
Je
dis qu'en certains cas – et pas ceux qui détruisent en pancartes
stupides d'une vie dont-ils n'ont même pas idée – il faudrait
expliquer qu'un enfant ce n'est pas si sûrement un drame, moins
tragique qu'au moment où on veut le faire passer. Être parent est
une histoire et pas un instantané. Peut-être ce qu'il y a de plus
important à raconter à ces parents d'aujourd'hui. La perfection
c'est à la mort qu'on sait à peu près la mesurer. Tout
n'est pas si facile !
C'est la croire sans mouvement que de vouloir parfois échapper à la
vie. L'avenir le dit.
Nous sommes des avortons, Edgar
Morin et moi-même au sens quasi littéral.
A
l'époque je suis déjà flattée
et pas seulement. Soulagée aussi, infiniment. Deux naissances
shakespeariennes s'annulent et c'est le plus beau cadeau qui puisse
m'être fait.
Je ne lirai pas son livre en
entier, j'avais trouvé ce que je cherchais et ne m'y attendais pas.
Un vieux compagnon. Et maintenant qu'il s'accorde autant de vie, me
touche, m'absorbe et me donne beaucoup d'espoir, quelque chose
d'apaisant. La vérité de la vie qui gagne. Comme à la fin de
toutes les belles histoires.
Nous serons heureux et aimerons
beaucoup d'enfants, longtemps, toujours. L'avenir à partir des
frasques du présent qui se fonde dans nos passés.
C'est pas que je m'y suis
accoutumée à ce flot qui passe en quelques secondes mortelles.
Imaginez les shoots que cela représente et mon rapport avec
cette pratique qui fait la mort souvent. Trop. C'est en trop. Ma
nature qui mute en savoir à force et pour y rester.
Et
j'inaugure ainsi mon futur : la question du en
trop.
M'interroger tout du long, et
forcément sur ma place. Celle que je prends ni ne vole à personne.
Alors sur celle des autres autant. Qui suis-je et dans n'importe quel
conflit puisqu'il s'est ouvert tôt ? Et nous concerne tous.
On apprend de la mort et elle est
aussi dans la cinquième injection, pas moins. S'habituer ou crever.
On en viendra à bout. Et cette petite chanson là, entendue comme il
va être question de vie ou de mort. On a gagné, presque. Tout
devient concret comme la vérité. On nous a laissé ce choix-là et
nous saurons être reconnaissants, parfois.
Quand
la mort n'est qu'une tentative, la même option et là de vie. Quinze
ans plus tard, j'aurais été aspirée. Alors je ne peux pas être
indifférente à la question de l'avortement. To
be or not to be...
Une question pas si métaphysique me concernant. Mais je remercie
Madame Simone Veil qui a souffert de la mort d'enfants comme nous
toutes.
Edgar Morin raconte la suite de
l'histoire, puisque cette suite là aussi nous est commune. Et je
suis étonnée par son audace, enfin celle de fouailler dans l'intime
d'un tel début, d'une telle résolution.
Il
naît
par le siège. Nous
le faisons,
pareil. Il est fils unique, je suis la dernière de quatre enfants.
Le siège, c'est s'asseoir comme
on va prendre le temps, impatient de vie.
Sixième déflagration. Argh !!!
La dernière qui nous emportera, plus par un effet de répétition
que pour le produit en lui-même peut-être. Sixième fois et basta !
Ils insistent tous : mon père, ma mère le médecin et la bonne
sœur. La scène.
J'annule, j'abandonne et puisque
je n'existe même pas, ça paraîtra plus facile.
Six. Ça
y est je sais compter, au moins jusque-là et de naissance. C'est la
bonne.
Non pas par césarienne. On
pourrait presque dire l'inverse. Le siège, traverser en boudant et
se refermant sur soi-même. Pliée de naissance et nue déjà, je
vous affronterai de par mon séant d'abord et c'est ce que vous
saurez, apprendrez, et qu'on y est jamais si bien assis.
« Ça faisait mal ! Le
pire accouchement ! » (et elle a des éléments de
comparaison elle). Euh... enfin il paraît que l'enfant en cette
situation a mal aussi. Un passage. C'est cet intérieur auquel la
tête échappera en dernier. Mystère. Refus. Signal.
Nous avons fait le siège bien
sûr – et bien obligée de la noter celle-là – bientôt assis
lui et moi là-dedans et si le mystère est si grand, feignons de ne
pas l'ignorer. Il pourrait même devenir intéressant. Ça se décide.
Cette vague-là, non, chaque
vague a le profond goût de la mort et d'être allé jusqu'au bout de
la prescription.
On l'aura voulu. J'arrive, déjà
gênante, au point que c'est d'abord leur histoire quand je commence
la mienne. Je serai une gêneuse de talents du moins je l'espère.
J'aurais mal mais ça ira. J'ai
connu ensuite à peu près 7 mois plus calmes (façon calme d'une
femme comme ma mère) et de ces gens, mes parents, pour qui la vie
continue, alors en moi aussi.
Ils me donneront pour marraine la
fille de l'amie qui leur avait conseillé le Synergon, comme si
j'allais oublier... Mes frères et sœur auront des parrains ou
marraines de la famille, pas moi. Ils avaient tous des autres
prénoms, au moins deux, pas moi. J'étais fécondée enquêtrice.
Je
suis vivante comme après le passage de six rouleaux d'une flotte qui
puaient la mort aromatisée space.
Elle nous abandonnera, nous questionnera plus qu'ailleurs, en
trop,
de
trop.
Mais nous nous sommes maintenus et en vie. L'espoir est à la tête
de l'embryon. Il y restera scotché l'ardent désir de dire la vie,
plus peut-être que de la donner. Elle se donne. C'est ainsi.
Il
y a au début de Dune
de Frank Herbert, le jeune Paul, fils de l'empereur Leto qui est le
premier garçon à avaler une potion adressée aux filles jusque-là.
Sa soeur traversera le breuvage aussi. Il lui donne la vie, et celle
d'un voyant autant. Ou le tuera. Le passage de ce truc mythologique
avalé, entraîne le jeune Paul jusqu'à l'infini, le bout de la vie,
la souffrance, l'entrée en mort, l'absolu déchirement et le choix.
C'est lui qui se rend à la vie, la reprend. Le début si on y est
confronté ainsi, qu'en sera-t-il de la fin ?
Edgar Morin n'a pas encore décidé
ni même renoncé. Moi non plus...
David Lynch aurait du d'ailleurs
choisir un enfant proche de l'adolescence au moins au début de son
film au lieu d'imposer son acteur fétiche. Et cette scène-là
n'apparaît pas dans son film. Elle est si frappante juste au début
de l’oeuvre.
Essentiel
à se croire mythique, archétypique, par un je ne sais quoi qui
veille constamment. L'esprit, si largement ouvert. Il devient
peut-être saint,
le Saint Esprit comme ils disent, de par sa présence fondamentale
dans tout échange, tout commerce. Jamais vraiment bien comprendre ce
troisième larron, l'esprit qui devient saint ?
L'autre restera cependant
toujours quelqu'un qui murmure un abandon, une chute, une défaite,
un crime. Pas seulement une parano désignée, mais quelque chose de
nuisible auquel nous n'avons pas forcément envie d'avoir affaire. Ça
va. Le meurtre du père, oui, et son sacrifice. On y est. Un banal
mouton noir. Vous n'allez pas nous chercher ?
Si j'ai choisi ces parents-là,
comme le suppose aussi à tort Madame Dolto, qui m'ont laissé, donné
le choix d'une manière aussi abrupte que violente en fin de compte,
c'est qu'il n'était pas question d'ennui entre nous. La curiosité,
résultante principale d'un avortement avorté, vous pêche aux
origines. Et si je reste, ça reste chaque jour ma décision. Comme
tous ?
Oui.
|
autobianchi, la presque pareille voiture que celle de ma mère.. |
Ma
réconciliation d'avec mes Parents
n'est pas si récente. Je suis heureuse d'avoir été adoptée en
quelque sorte par mes propres parents, visiblement. J'en mesure tôt
l'intérêt. Ce n'est pas différent pour tous. Ni les pères ni les
mères ne le sont d'un coup de baguette magique et parce qu'ils
seraient simplement désignés ainsi, parents.
Pour la plupart
leurs préférences comme leurs lâchetés puniront leurs
descendances, leur feront du mal. Les limites qu'ils se contraignent
à mettre à leur imagination, ce frein qu'ils manient mal, bien plus
qu'ils ne souhaitent l'imaginer, les encerclera et leur ôtera
finalement à eux aussi la paix qu'ils quêtent. Paix d'un sur-place
qu'ils mobilisent. Prétendre aimer quand on se cantonne.
Quand on a pris
cette décision de se cantonner l'un ou l'une, c'est sur tous les
autres qu'on prétendait défendre ainsi que ça retombe aussi. On ne
peut jouer deux comédies à la fois.
Mes parents étaient
sincères et le restèrent.
C'est cela même qui
me tient maintenant, devenir un érable aussi acharné qu'un
pissenlit. Renaître chaque jour.