mercredi 21 novembre 2018

Les vrais cortiqués !


"Il est frappant de voir combien de sujets récemment venus à l'expérience analytique se sont produits, dans leurs premières façons de s'exprimer, en posant la question de son caractère irrationnel, alors qu'il semble au contraire qu'il n'y a peut-être pas de technique qui soit plus transparente."
Jacques LACAN (Conférence 1953)


C'est Dolto qui a relu la Bible (et dans quelle traduction ?) et c'est dans ce livre (les gens des Archives Dolto disaient "Les Textes Sacrés") qu'il est écrit, dans les Dix Commandements, qu'"il faut respecter ses parents" et nulle part qu'il faut les aimer. Mais le respect n'est pas un mot qu'on peut seulement asséner, c'est un vrai mot. Et personne ne va tout vous expliquer comme la bonne dame a essayé de le faire. Et oui j'y ai travaillé après sa mort sur un texte de l'Ancien Testament qu'elle a analysé et que je ne connaissais pas. C'est l'histoire de Tobias un homme qui essayé de rendre la vue à son père.



Françoise Dolto

Et Françoise Dolto a été protégée une fois partie de chez elle, par un Russe et peut-être aussi par Jacques Lacan.
Et comme elle le répétait on la traitait de "Folle" bien sûr, mais elle était blindée après toutes les méchancetés que lui avaient dites sa mère. Qu'elle était responsable de la mort de sa grande sœur Jacqueline atteinte d'un cancer ou que le métier de médecin pour les femmes était un métier de "Pute". Elle ne l'a plus écoutée. Et elle n'a pas fait la spécialité de psychiatre, écœurée par l'état des HP, mais pédiatre et je ne sais vraiment pas si elle a bien fait.
Et si vous voulez vraiment voir comment c'est un hôpital psychiatrique, allez-y pour de bon. C'est vraiment pas une expérience mais une horreur. Car enfermer les autres pour "leur bien" est l'expression même du racisme et je ne suis là non plus vraiment pas la première ni sûrement la dernière à le dire.
Et "cortiqué" ça vient de cortex comme je l'ai expliqué à une petite jeune.
J'ai aimé mes parents parce que j'avais le choix comme tout le monde. Et peut-être aussi parce qu'ils étaient aimables, même ne m'ayant pas désirés. C'est mon esprit de contradiction.
On appelle ça les "Générations Dolto" !!!

NB : Et les gens feraient sûrement mieux d'en faire une vraie au lieux d'en parler pendant des heures sans surtout dépenser leurs sous.  Aussi d'employer alors le vocabulaire le plus à côté de la plaque qui soit.

mardi 20 novembre 2018

Le prix coutant du HANDICAP




ou
Des Mengele comme s'il en pleuvait


Hélena – Il fait beau aujourd'hui... Pas trop chaud.
Vania – Un temps idéal pour se pendre
Oncle Vania Anton TCHEKHOV






C'est central.
Écoutez ce problème d'une classe de joyeuses têtes blondes, des écoliers allemands qui devaient au début des années 40 résoudre un problème de calcul de cette teneur :
« Un aliéné coûte quotidiennement 4 marks, un invalide 5,5 marks, un criminel 3 marks. Dans beaucoup de cas, un fonctionnaire ne touche que 4 marks, un employé 3,65 marks, un apprenti 2 marks. Faites un graphique avec ces chiffres. D’après des estimations prudentes, il y a en Allemagne environ 300.000 aliénés et épileptiques dans les asiles. Calculez combien coûtent annuellement ces 300.000 aliénés et épileptiques. Combien de prêts aux jeunes ménages à 1000 marks pourrait-on faire si cet argent pouvait être économisé ? » (Manuel scolaire nazi, cité par A. Grosser, Dix leçons sur le nazisme, Fayard, 1976).


Question de robinets avec Robert Ménard en maître d'école.
Économie, le mot est lâché, pas seul et pour tous ceux qui agirent ainsi. L'Allemagne qu'on a autant désignée en cela, et avait sous le régime nazi ce souci constant d'économie concernant les bouches inutiles – les « parasites » terme à la mode encore aujourd'hui, miroirs déformants dont ils ont horreur ces fabricants de pesticides – comme elles furent considérées, n'est pourtant pas seule concernée par ce bain d'eugénisme. Ce sera le cas dans bien d'autres pays pas en reste et cités dans ce qui suit, et j'en oublierai. Alors il faut l'évoquer cette litanie de trains fantômes, ce massacre, et oublié avant même d'en avoir pris connaissance. Un meurtre répété avec conviction et préméditation.
Si je ne le fais pas qui le fera ?


Ras-le-bol d'avoir à payer pour une telle population qui déshonore le grand Reich et ne lui sert à rien. C'est dire. Nous voilà pourtant avec un constat généralisé et désolant de gouvernements les plus divers et dont l'Amérique aura la palme finalement ou fera plutôt partie du peloton de tête dans cette course contre la vie.
Dans cet exercice d'une l'école allemande au temps du nazisme, il ne s'agit pas tout à fait comme on le lit d'un problème de robinetterie, mais bien d'un exemple tranquille et parlant. Qui d'aucuns de ces enfants qui doivent résoudre le problème, n'auraient pas peur de la folie, du handicap et des criminels (épargnés eux d'une certaine manière, les droits communs finissant finalement en surveillants dans les camps de concentration, leur sacré sens de la loi...) et préféreraient qu'on enterre la peur qu'on a de ça ?
Quand j'étais enfant je croisais un petit groupe d'enfants atteints de trisomie 21 et à l'époque on disait plus cruellement des mongoliens avec leur regard d'Inuit. C'est ce visage étranger dont j'eus le plus peur et honte tout à la fois, ignorant encore que je prendrai le même train...
Sur le calvaire des subventions de l’État, d'un Golgotha imaginaire, trois larrons discutent encore de fric avant que de mourir. A droite le criminel qui n'est pas celui qui coûte le plus cher, mais n'empêche, 3 marks c'est 3 marks. Mais ce droit commun recyclé qui surveille avisé les deux autres, même crucifié. A gauche l'aliéné qui pense en ricanant aux dépenses de ceux qui le crucifient, ayant l'air de se moquer de ces économies de bout de chandelle lui qui reçoit soi-disant 4 marks.
Avec lui, grâce à lui et les siens on parviendra à trouver la bonne dose de Zyclon B qui gazera ensuite la moitié des Juifs de ce monde.
Et au centre l'insolent invalide qui n'a plus rien à dire, et coûte encore bien plus cher à la communauté allemande, selon cet exemple. Ce boiteux, et qui bouffe tant d'argent jusque-là avec ces 5,5 marks qui lui seront peut-être alloués, au moins dans l'exemple. Qui mourra de plus et aussi de leur désintérêt haineux.
Qui a besoin d'un fou, encore moins de celui qui a reçu une vie bancale en un héritage méprisé par le grand Reich, le règne des hommes forts et blonds aussi typiques que Goebbels qui les a construits ses golems, lui en Alberich de la mythologie germanique, tordu de désir dans la coque de sa petitesse, son allure de gnome de vrai anti-héros allemand. Ça n'a pas l'air de se voir, puisqu'il parle ainsi et que beaucoup l'écoutent au coeur d'un mirage vert de gris.
Comme s'il ne s'agissait que de chasser la peur en soi et de lui ? Les enfants aussi ont donc autant peur des dingues, de toutes les malformations possibles comme on le leur explique, les entraîne et leur enseigne tôt, et on voit bien qu'ils sont aussi inutiles que ces mutilés de guerre à qui on a du mal autant de remettre un argent pour ce qui peut ressembler à de la désertion. Bouches inutiles dans ce monde d' « hommes forts », de lignées les plus pures. S'il en est. Quand on reparle de ces « hommes forts » comme aujourd'hui, Poutine ou Trump, que certains en refont des modèles, c'est une alerte, quelque chose qui doit faire peur et dont on il faut vite nous prémunir. Chez nous il y a des ombres qui s'agitent. On prie que ça s'arrête.


Qu'est-ce que c'est que ces 4 marks des dingues et d'où viennent-ils sinon du porte-feuille de leurs parents allemands ? Problème dans le fond résolu très vite. On va les supprimer en premier et peu de gens y trouveront à redire, sinon quelques voix sitôt bâillonnées. Le prix de revient des asiles d'aliénés est plus cher que celui du gaz, en un pogrom médical.
Pas encore commémoré comme on remporterait enfin un Oscar du meurtre médicalisé qu'ils ourdiront.
Vite fait, la solution au final la plus efficace pour soulager des dingues est trouvée. Ils sont les premiers gazés justement sur lesquels on expérimente le Zyklon B, l'expérimenter jusqu'à la bonne dose de ce méfait et autres expériences comme des tortures réelles à ciel ouvert, principalement sans anesthésie. C'est en quelque sorte le retour de la controverse de Valladolid. Mais ici ils ont la réponse sans longues palabres : les fous n'ont pas d'âmes quels qu'ils soient, sont détraqués à mort. Tous les handicapés finalement.


Alors Wikipedia, oui cette encyclopédie à la noix (mais vous explosez vite en vol si vous y vouliez raconter n'importe quel bobard), et fait une liste pas exhaustive mais vérifiable. Je ne suis pas tout à fait sûre que cela puisse s'inventer.
Et où aurait-on pu trouver ainsi rassemblés ces crimes contre l'humanité qui vous concerneront tous jusqu'au silence, jusqu'à de pauvres dessous de table ? Et on voudrait presque souhaiter que cette liste soit sujette à caution. Vous ne l'auriez pas lu si je n'en faisais là le résumé, espérant encore que vous lisiez ici ma synthèse.
Alors poursuivons.

Au Canada, une loi de 1928 n'autorise la stérilisation qu'en cas d'accord du sujet ou de son tuteur, en fonction de la compétence de celui devant effectuer l'opération. Dès 1937, collusion des temps, un amendement autorise alors la stérilisation forcée des handicapés mentaux, sans leur accord ni celui de leur tuteur. Fini, ils sont décidés. La province d'Alberta accrut encore l'ampleur de son programme de stérilisation après la Seconde Guerre mondiale jusqu'en 1972, date de clôture de ce programme, 3000 personnes auront été opérées de force.
Les femmes, les jeunes et les minorités forment la majorité des cibles du programme. Les mineurs considérés comme « handicapés mentaux », sont placés sous la dépendance d'adultes, ce qui les prive donc de tout consentement. Les Métis et les Amérindiens sont aussi largement visés, quel que soit leur âge par ailleurs (formant 2,5 % de la population, ils représentaient 6 % de la population détenue dans des institutions psychiatriques, et, à la fin du programme, 25 % des victimes).
Qui le savait dites-moi ?! Qui s'en fout au point de ne le trouver que dans une encyclopédie de bric et de broc ? Et évite bien des recherches quand on découvre une telle liste.
On leur impose le statut de « déficient mental », les privant alors facilement de droits civiques et les assujettissant à cette stérilisation contrainte. Les femmes, en particulier jeunes, pauvres et célibataires, forment une grande partie des victimes. Alors si on les soupçonne de prostitution (à revoir, relire Les Misérables et l'admirable démonstration (là est l'art de Victor Hugo) quand Fantine la mère de Cosette soupçonnée aussi et par la Loi entière dont l'inspecteur Javert est le représentant zélé, expert à détecter la fange et l'éradiquer, qui tue Fantine si on sait lire). S'ils sont donc dits dépravés c'est encore plus simple, devant leur Dieu, et laisse plus indifférent encore, si c'est possible. Des femmes de mauvaises moeurs, aux agissements qui favorisaient, selon leurs théories en vigueur, la « dégénérescence » morale. Si leur sort personnel est considéré comme au-delà de toute rédemption, du moins n'auront-elles fort heureusement pas de progéniture « décadente ». C'est du sérieux...


Sinon l'Amérique a été le premier pays à mettre en place un programme officiel de stérilisations contraintes, dans le cadre d'une idéologie eugénique alors en vogue, représentée par Madison Grant et d'autres. Sont ainsi stérilisés contre leur gré, plus de 64 000 personnes des années 1900 aux années 1970.
Battus à plate couture les Mengele et autres médecins d'une Allemagne pourrie de l'intérieur, sans que jamais personne ne soit au courant, sinon les familles, sinon les intéressés, un jour ou l'autre.
Alors aux USA pour certains peut-on leur fait grâce d'un mensonge plus gros que n'importe quel oeil, où les médecins, le personnel soignant – si on peut encore l'appeler ainsi – leur diront qu'ils n'ont fait l'objet que d'une simple appendicectomie ? C'est seulement trop tard qu'ils pourront constater l'immonde, l'horreur de cette violation de domicile, la dernière vérité d'un vide pour jamais.
Ce programme vise les retardés mentaux, les personnes sujettes à des troubles psychiques. Alors qui aura le cran de s'en soucier ? Et pour quel intérêt ? Qui cela choquera-t-il puisque jusqu'à aujourd'hui n'importe qui l'ignore et continue, ne risque pas de s'y intéresser ? Personne n'a tourné avec des pancartes, enfin je ne crois pas, pour hurler contre cette intrusion-là majeure, ce crime d'Etats.
De plus certains États d'Amérique, plus perfectionnistes encore, visaient aussi les sourds, les aveugles et les épileptiques, toutes les victimes de malformations congénitales. En outre, les Amérindiens ont aussi été aussi victimes de ce racisme d'État, cet eugénisme mortel, cette régulation morbide. Nombre d'entre eux furent donc aussi stérilisés contre leur gré, sans même en être non plus informés, lors de séjours en hôpital. D'autres stérilisations, à une moindre échelle, ont eu lieu en prison et dans le cadre pénal, en visant la criminalité. Au total, plus de 65 000 personnes ont été stérilisées dans 33 États différents dans le cadre de programmes semblables.
Yes you can !

« Nous avons vu plus d'une fois que le bien public peut exiger la vie des meilleurs citoyens. Ce serait étrange qu'il ne puisse en appeler à ceux qui ruinent déjà la force de l'État pour des sacrifices moins importants, qui ne sont d'ailleurs souvent pas ressentis comme tels par les personnes concernées, afin de protéger la société contre un excès d'incompétence. Il vaut mieux, pour le monde entier, qu'au lieu d'attendre qu'on exécute la progéniture dégénérée à la suite d'un crime de leur part, ou qu'on les laisse mourir de faim en raison de leur imbécillité, la société puisse empêcher ceux qui sont manifestement incapables de perpétuer leur genre. Le principe qui soutient la vaccination obligatoire est assez large pour légitimer de sectionner les trompes de Fallope (…) Trois générations d'imbéciles sont suffisantes. 
La Suède, des années 1930 aux années 1970, a stérilisé 62 000 personnes sur une population totale de plus de six millions d'habitants.
La stérilisation était une condition préalable pour pouvoir conserver la garde de ses enfants, toucher une aide sociale, ou être libéré de prison ou d'institutions psychiatriques. Active principalement dans les années 1930 et jusqu'au milieu des années 1950. Mais on mentirait si on ignorait que des maltraitances aussi violentes que moches continuèrent par la suite. C'est seulement en 1997... que ce programme eugénique souleva la polémique.
La législation eugénique est votée en 1934 et abolie en 1976. Une enquête gouvernementale publiée en 2000 estime que 21 000 personnes ont été stérilisées de force, 6 000 stérilisées avec un « accord formel » déguisé en «consentement éclairé ». C'est dire. Tandis que les motifs de 4 000 autres cas de stérilisation restent indéterminés. L'État suédois paya par la suite quelques indemnités aux victimes. Tout ça ne sera jamais en une de vos journaux, vos tabloïds aussi muets sur le sujet. Rien qu'un objet ignoré, comme un résidu.
Le programme a comme objectif principal de prévenir les maladies psychiatriques.
Néanmoins, tout comme au Canada ou aux États-Unis, il comporte un volet raciste que l'on ignore autant, en ce que les savants responsables du programme et les médecins qui se chargent des stérilisations, croient fortement en une connexion entre la « race » et l'« intégrité génétique » des individus. Dans ces décennies tardives, les « malades mentaux » représentent la plus grande partie des victimes.


En Suisse Dans le canton de Vaud, la stérilisation des personnes atteintes « de maladie mentale ou d’infirmité mentale » est légale de 1928 à 1985. Les personnes ainsi stérilisées se comptent « par centaines » dans ce canton. Stérilisations ou castrations contraintes qui furent pratiquées cependant dans toute la Suisse.
Neutralité bienveillante.
Parmi les autres États ayant instauré de telles pratiques, on compte l'Australie, la Norvège, la Finlande, l'Estonie, la Slovaquie, l'Islande et quelques pays d'Amérique Latine (dont le Panama).
Le monde...
Au Royaume-Uni, le secrétaire d'Etat à l'Intérieur Winston Churchill (handicapé à son tour comme on le découvrira tardivement, maniaco-dépressif non déclaré), mit en place une clause instaurant la stérilisation contrainte dans le Mental Deficiency Act de 1913. Mais l'écrivain G.K. Chesterton mènera une campagne victorieuse pour son abolition.
Récemment, des cas de stérilisations forcées auraient encore lieu au Mexique


Qui réparera l'irréparable ? Au moins s'excuser.
Et ils sont rares les pays qui le font. C'est la preuve partout d'un mépris, d'un rejet, d'un mal, d'une horreur à éradiquer et qui n'existe pas. Ce qui semble être comme l'oeuvre du diable. Une monstruosité à laquelle chacun peut échapper en devenant les monstres d'un non-lieu, jamais coupables, jamais désignés, vous.
En Allemagne, tellement montrée du doigt pour ces horreurs-là, comme on camoufle le secret d'eux tous, quand tant d'autres pays sont concernés par ailleurs.
On trouve pourtant à Berlin un mémorial inauguré en 2014 (sic) qui est un grand mur de verre situé devant le Tiergarten de Berlin, là ou les nazis avaient installé les bureaux du programme d’extermination, qui commémore et rappelle que 300 000 fous ont été embarqués pour jamais. Ailleurs on se tait simplement et franchement.
Quand je vois comme la folie est encore aujourd'hui mise au ban, le handicap regardé du plus mauvais oeil partout. Je comprends que personne ne sache ou ne se souvienne. Et que cet eugénisme pas mort peut et pourra prendre de nouvelles formes armé de nos nouvelles technologies, nos soi-disant nouvelles logiques, avec les mêmes peurs pourtant.


Récemment, les gouverneurs de beaucoup d'États d'Amérique du nord, en commençant par la Virginie, puis l'Oregon et la Californie, ont présenté des excuses publiques pour les programmes de stérilisations contraintes. Néanmoins, aucun n'a proposé de compensation financière, au prétexte que peu de victimes étaient encore en vie et qu'il était difficile de retrouver leurs traces administratives.
Au moins une plainte a été déposée, déclarant dans Poe V. Linchburg Training School and Hospital (1981) que la stérilisation était anticonstitutionnelle. La plainte fut rejetée, au motif que la loi n'était plus en vigueur. Futé et sacré argument qui annule tous et toutes comme une prescription ravageuse. Les défenseurs reçurent néanmoins quelque indemnisation, au motif que la loi elle-même demandait l'information des patients, obligation qui n'a pas été satisfaite.
En France et en date du 2 février 2012, un collectif de 15 jeunes françaises, originaires de l'Yonne, et stérilisées à leur insu courant 1990, toutes handicapées mentales légères, ont vu leurs plaintes classées sans suite en 2007 par le parquet d'Auxerre. Elles ont à nouveau entamé une procédure contre l’État, laquelle vient d'être déclarée recevable par la cour européenne des droits de l'homme.
En Suisse, l'indemnisation des victimes n'est pas envisagée par le gouvernement. Nous notre expression c'est radin comme un suisse et pas comme un juif comme d'aucuns disent ou comme un Ecossais. Autre racisme, pour atteindre la forteresse Suisse.
L'État suédois paya par la suite quelques indemnités aux victimes.
Qui dira que cela ne pourrait pas se reproduire ?
Et déjà notre gouvernement, et donc avec l'aval de la détestable ministre de la santé Marisol Touraine, dame mobilisée principalement par la lutte anti-tabac – son fils fumerait-il trop de tarpés ? Ou pire ? – et ce vieux combat qui continue de m'étonner. A ce point ? Combat premier de tous les ministres de la santé qui la précèdent, la suivront. Dans un temps où l'on apprend que la pollution généralisée est responsable d'autant ou sinon plus de morts, dépassant les fumeurs.
Elle appartient à ce gouvernement qui a esquissé il y a quelques mois un projet d'araser les minimums sociaux, et donc certaines allocations comme celle des Adultes Handicapés qui finiraient bien moins indemnisés, comme prévu. Projet vite tu et pourquoi ? Mis sous quel boisseau ? Gouvernement qui s'amuse déjà et commence à sucrer des allocations logements (lire Marianne (M 01392) sur le sujet) ? Alors la droite, ne parlons même pas de ses extrêmes, pourront reprendre allégrement ce projet d'une gauche qui n'a plus de nom, plus d'identité, une gauche folle à son tour.
Ils y sont bien arrivé en Grèce où des handicapés ont défilé en vrai quand on leur a supprimé toutes leurs allocations.
Un défilé de handicapés, difficile projet. Et reste rare. Se balader dans vos villes en fauteuil, bonjour le mépris ! Sans parler de cette invention imbécile d'une mad pride. Un échec patent d'ailleurs.
Fier d'être fou... Qui pourra l'imaginer ? Ou sinon nous compter ?
Personne de ceux qui sont hors normes ne sont et ne seront jamais véritablement en sécurité, pas à l'abri du mépris d'abord. Mais il n'est rien à côté du dégoût méchant de ceux qui n'aiment pas l'image que leur renvoie le handicap – eux qui ne l'admettront même pas, sacré menteurs d'un faux portrait. L'eugénisme fait long feu et les avancées scientifiques permettent déjà de détecter au moins la Trisomie 21. Alors ils pourront bientôt nous épargner le pire et mieux, du dedans du ventre de la mère, du dedans de l'ombre, un meurtre sans traces, même émotionnelles. Supprimer les idiots, magnifier je ne sais quelle intelligence.
Je sais déjà que le cerveau regimbera à toutes vos monstrueuses expériences. Mengele on le voit n'est pas le pire ou surtout pas le seul. Cités dans des écrits que personne ne lira, que personne n'inquiétera. Ce sont des médecins tout de même ! comme le rappelle Michel Cymes dans un ouvrage sur le sujet. Médecin lui-même il s'étonne de cette trahison, n'y pige rien de ce qu'il a en lui comme envie de soigner, face aux atrocités de vrais médecins dont ces malades ont fait l'objet de tortures. Piétiner à ce point le serment d’Hippocrate, le souiller ainsi, impensable et bien réel autant pour lui.
J'avance seule que même bricoler des gènes épatants, des gènes qui parlent bien, trafiquer et envahir le cerveau d'implants qui le feraient dérailler autrement, façonner un magnifique Golem, ça ne marchera pas. Et c'est garanti, par moi.
Le cerveau restera bien plus imaginatif qu'eux tous. Il ne confirmera jamais leurs doutes. Ils continueront cependant de pister l'intelligence, à l'envers, comme Google par exemple pour qui l'éternité ne compte pas seule.


L'intelligence, un foutu sale Graal, comme s'il s'agissait d'un joyau, de l'or en barre, un truc qui de toute manière doit d'abord, essentiellement, rapporter et du blé. Reproduire le cerveau d'Einstein et quelle absurdité. L'argent est comme on le voit toujours et pour tous la clef de songes macabres, le nerf de délires mortifères. Dans certains téléfilms américains on peut entendre parfois des pères dire qu'ils ont investi tellement d'argent dans l'éducation de leurs enfants, pour être admis et cracher au bassinet des meilleures universités, qu'ensuite ils voulaient légitimement rentrer dans leurs frais. Alors je suis fière de ce qu'ont pu être les universités françaises et on devrait aussi conserver cette manière-là d'envisager l'enseignement poru les plus nombreux. Même si dans le fond on y retrouve toujours les mêmes. Mais c'est ou c'était possible, chez nous.
Être débiteur, si c'est ainsi aussi que ça commence. Et c'est le pire le plus souvent qui adviendra. « America first ! ».
La dette envers toutes ces personnes mutilées dépasse de loin la dette de la France et d'aucun autre pays où chacun hait en soi la folie qui pourrait s'y nicher. C'est une peur absolue, vérifiable, notable. Un tripe 0 en or. Les banques continueront de s'y retrouver. A vos devoirs. A vos problèmes.













Françoise Dolto





A lire...
Françoise DOLTO

lundi 19 novembre 2018

SHERGGY le NABAB





« Si pour lutter contre une maladie on donne une infinité de remèdes, cela signifie que la maladie est incurable. »
La Cerisaie Anton TCHEKHOV (1860-1904)









Je l'ai rencontré à l'hôpital de la Salpêtrière. Et il estt comme un vieux lutin fêlé que j'ai aimé de suite.
Non, j'ai d'abord peur, très peur et je m'en souviens. 

C'est réel et angoissant. C'est comme si on avait mis quelqu'un qui aurait dû être d'une autre unité au mauvais endroit. Dangereux ? D'une violence extrême alors que je suis déjà suffisamment effrayée, alors que tous les autres patients sont zens et mornes, indifférents. Et je comprends bientôt que c'est uniquement lui-même qu'elle vise. Mais cette vraie peur de sa folie reste, une violence que je vois là. La dimension comique ne m'est pas visible de suite. Je suis la spectatrice gênée d'une incompréhensible douleur gravée, lui de s'agiter ainsi à toutes les tables au moment des repas. Pas en place. Une impossibilité d'être en paix un seul instant.
Il pouvait me faire l'effet d'être ce qu'ils appellent courageusement et provisoirement, un psychopathe ou ce qu'on a comme idée de ce que cela veut même dire. Il est brutal et je n'ai pas encore compris qu'il s'agit aussi de l'humour le plus désespéré, de faire peur exprès. Après on verrait. Il commence à me faire rire et cela lui plaît, forcément. Un début.

Chaque internement en HP est un étonnement, et pour celui qui déraille aussi. 
Ma troisième hospitalisation depuis la fin des années 80 début 90. J'ai du mal à freiner la manie qui m'occupe en ce temps-là. Un truc qui ne s'arrête pas comme ça, même quand on vous a dit ou que vous hurlez en vous : 
« Stop ! ».
J'apprends qu'au moins tout le long du premier jour, j'ai pleuré non-stop. Et ce sont les malades qui s'en souviennent et me l'ont rappelé. Quand j'ai arrêté de pleurer, compris que j'étais à l'HP pour de bon, j'ai oublié cette immense tristesse.
Je me souviens cependant de ce que je me disais tout au début en moi et plus sérieusement que jamais on ne devait enfermer les gens. 
La Salpêtrière, je ne la reconnaissais même pas vraiment. Ne me demandez pas si j'y croyais, ce serait faire offense à mon imagination. 
C'est comme un feu qui redémarre parce qu'on a oublié cette braise là, cette étincelle qui fait que ça repart.

Je demande les deux premiers matins à l'aide-soignant de me porter le petit-déjeuner. Je suis morte. La question me gêne. 
Ma détresse folle a du être si grande que j'en suis restée là. Morte.
Je suis arrivée un soir et j'ai en tête aussi un jeu de mot trop compliqué même à moi-même. Perdue ou plutôt qui me perdra, et c'est trop difficile à expliquer. Trop douloureux. La certitude que l'on va rester dingue, piégé par soi-même, est un bug cérébral où on va tourner en rond toute sa vie. J'ai une espèce d'hallucination comme un rêve.
 Ma psychanalyste d'alors est assise à mon chevet. Je l'interroge, me redresse du lit sur lequel je suis allongée et elle répond « Oui ». Un « oui » qui ne s'ouvre sur rien, sans avenir et je retombe, plaquée sur mon lit, horrifiée et seule. Un truc qui va durer comme pour l'éternité. Je m'assieds elle redit « Oui ». Jamais plus ici. Et désespérée pour toujours? 
Ça ne s'arrêtera que quand je finirais assommée de sommeil. Je m'assied, je m'écroule comme un pantin humilié et à jamais empêché. Et ça recommence ainsi, ça a l'air sans fin. L'éternité dans une souffrance pareille... La vraie folie est là, comme une possibilité, un état des lieux. Je n'aurai plus jamais d'hallucinations mais je garde en mémoire l'horreur de celles que j'ai aperçues. Des cauchemars ou définitivement perchée.

Je suis allée deux fois à l'hôpital de la Salpêtrière. 
C'est, cela reste une entrée particulière de l'histoire de la folie, celle de la psychiatrie aussi, et à l'oreille simplement. 

La Salpêtrière. 

« Un tel lieu dans la mémoire ! » me souffle une jeune malade entièrement exaltée par son propre mirage, alors que je les supplie de me laisser en sortir de son lieu-dit.
Mais aussi ou surtout pour moi, c'est cette situation géographique qui change principalement la donne, jusqu'à pouvoir essayer d'imaginer s'échapper, au moins pouvoir l'envisager, puisqu'on n'est jamais vraiment perdu dans cette ville qu'est Paris. Paris se traverse. 
La banlieue est faite de lieux-dits juxtaposés et qui finissent par se ressembler les uns aux autres, un labyrinthe où on se perd forcément. Et c'est loin.

L'hôpital de la Salpêtrière, être simplement plus proche de l'issue de secours.

Alors que depuis le si lointain village de fous qu'était Perray-Vaucluse et où je m'étais retrouvée un an plus tôt, au fin fond de l'Essonne, revenir à Paris est un bagne. Une porte fermée de plus (celle de la grande banlieue). Et s'échapper avait un sens.

Comprenant aussi en ce temps que comme pour les attributions des HLM les mieux cotés, pour être hospitalisé dans le centre de Paris, il vous faut un psychiatre qui ait des connaissances. 
Les places étant chères, c'est globalement les nantis qui font encore la loi jusque-là aussi, en ce temps-là. C'est moins criant aujourd'hui. 
Les HP se trouvent principalement dans Paris, au coeur ou aux portes. 
Le public à l'époque de ce tri sélectif était moins diversifié à Paris que là-bas où nous étions, principalement des pauvres, enfermés dans une sorte de désert. Déjà qu'on y est, et là plus certainement que dans n'importe quel asile de fous.

A Perray-Vaucluse hormis les dimanches de visites, les si grands espaces verts sous le soleil de juillet (qui rassurent ces sortes d'invités) sont vides (ce qu'ils ne peuvent imaginer à ce point). Personne.
Il y avait un bureau de tabac pas loin d'une petite église (chapelle serait presque réducteur) dans ce village-là. 
Et la première fois que j'ai eu le droit de m'y rendre au tabac, accompagnée par un autre malade, je n'ai le souvenir que d'un jour de grand soleil et d'un homme gisant à terre qui porte un casque sur la tête (il en est qui continuent de se taper en vrai la tête contre le mur). L'homme repose là recroquevillé sans cris et sans mouvements. Nous passons à côté de lui comme s'il n'était qu'un pigeon mort.

Sherggy le nabab était, est peintre et sculpteur. Il a reçu le prix de Rome, ce prix fort dont-il parle de suite comme pour justifier toute son existence.
Je ne sais pas pourquoi lui et une autre jeune femme, appelons-la Léa puisque j'ai oublié son prénom, rendirent mon séjour si joyeux, au coeur de la douleur d'être enfermé qui ne passe pas quoiqu'on fasse et pour personne. Cette dimension de l'enfermement, modifie les blagues et en fait plutôt finalement des farces aux sourires forcés et tristes. Amusons nous sinon on tombe. Nous avions tous trois suffisamment d'imagination.

Mon frère il y a peu me conseillait la patience quand j'étais hospitalisée. « Laisse toi soigner, ils sauront quand te laisser sortir... ». 
Soigner quoi ?! Sortir quand ? Là où j'ai mal personne ne pourra me soigner, déjà. Si on commençait par ça. Et tout le monde le sait. Silence.
A sa première hospitalisation récente, le même frère malade compte à son tour les minutes qui le séparent de sa sortie d'hosto. L'ennui si terrible à l'hôpital POUR TOUS et comme là pour masquer la peur.
De quelle douleur parle-t-on ? La sienne ? La mienne ? Un bras-de-fer ? 

On peut donc imaginer ceux qui souffrent, nous qui avons aussi mal physiquement faut pas croire.
Le désespoir est une angoisse fulgurante. Mais surtout pas du même ordre que leurs maladies à eux ces gens, ceux qui ont une « vraie » blessure, un vrai truc qui peut être approché.

La honte d'avoir un cancer est loin derrière à présent et encore grâce à Pierre Desproges qui vous faisait bien rire n'est-ce pas ? 
Non, pas moi et je n'ai le droit de ne pas rire de tout et de voir d'abord un mec qui souffre en scène. Certains éclats de rires sont simplement odieux. Et vous-mêmes semblez trouver ça bien moins drôle quand ce n'est plus de la blague. Le courage de Desproges est rarement le vôtre. Ça fait peur la mort hein ? Le cancer devenu plus à la mode puisqu'on peut envisager maintenant d'être soigné. C'est grave. Et pas seulement quand c'est fatal et définitif.
Le nôtre de mal nous ronge plus simplement. Entièrement silencieux, impalpable, muet de questions. Il tue tellement d'entre-nous à faire exploser largement la courbe des statistiques du suicide.
On cherche. Ils cherchent avec la science aussi comment lire les inscriptions du corps du fou et essayant maintenant et de plus en plus (nouvelle génération de psychiatres) d'écarter l'apport de la psychanalyse. Alors c'est seulement la maladie du corps qu'il s'agit pour beaucoup de réparer. Seulement en mode binaire, puisqu'ils ne veulent plus rien savoir de l'histoire de la folie. La mienne. La vôtre. Ça vient après. Ou ça disparaît.

Il me semble impossible, dangereux, mortel de ne plus vouloir avoir affaire avec la psychanalyse. Elle ne soigne pas, soit. Les médicaments non plus. 
Mais en supprimant l'une des dimensions de la folie que nous aurions aussi construit, on se trompe.
Une histoire de famille c'est sûr, même si les autres vont me jeter la faute mutuellement... à la gueule. Plus simple ne pas croire que la folie concerne bien plus de monde que le malade qui à présent reste tout seul sur son radeau, celui de la négligence.
Je ne dis même pas faire une psychanalyse, ça n'est pas encore très au point avec les psychotiques. Mais être en psychanalyse, comme un lieu de pensées, comme dire que tout n'est pas résolu par un traitement adapté ou par un dressage qui nous fait plus sûrement chiens.
Gènes et circonvolutions du cerveau se battent, mènent des combats, y échappent. Ces gens qui veulent rester entre-eux, tentent de décrypter un code, une combinaison qui devra les bluffer. S'épargner la souffrance dingue. Et pour longtemps ? Un déraillement qui restera pourtant toujours et toujours imprévu.

Être malade depuis un aussi grand mystère que le cerveau, précisément là-haut, et perchés comme ils disent, pourra peut-être nous aider à nous en sortir. Savoir que ça restera toujours d'une complexité qui battra les scientifiques les plus avertis est encore un gage. 
Chaque cerveau est aussi personnel qu'une empreinte digitale, comme je l'ai entendu dire dans une série. Je le sais puisque j'en mesure presque l'évidence. Plus de neurones que d'étoiles dans le ciel. Certaines cellules se régénèrent tip-top comme s'il y avait au dedans des ateliers de réparations. Ils se règlent sur notre vie et la font muter quand elle les remue. Métamorphoses uniques comme la transformation d'un hexagramme. Même les clones se dérégleront bientôt.

Les psychiatres se sont fiés aux fous qu'ils interrogeaient, un peu comme les premiers ethnologues se sont autant fourvoyés. 
Le savoir est toujours de leur côté. Ils interrogent, se font traduire la vie par des informateurs ce que disent les villageois. Ils les roulent dans la farine sur beaucoup de point. La bonne traduction ? La bonne blague... Des mecs assis derrière des bureaux, se prenant pour la science même en plein désert, et des files indiennes de gens à interroger, la préhistoire de l'ethnologie. Certains continuent ainsi.
Mais sinon pour revenir à ce sujet, quelle réponse à aucune douleur sinon mentale ? Nous n'avons pas de traducteur, même menteur.
Qu'est-ce que ça veut dire et quand ça s'arrête puisque ça ne se soigne pas ? Pas comme d'habitude. Qui est le malade ? Qui est la victime ? Ceux qui sont persécutés par nous et d'abord les proches. C'est la question principale qui ne se pose qu'à nous, les dingues. On est méchants. Ça ne se voit pas ? On fait du mal à tous exprès et seulement pour faire les intéressants. On n'a pas mal, on simule. On ne dit rien, enfin sinon des trucs timbrés inaudibles.
L'hôpital c'est désolant pour chacun. Et l'hôpital psychiatrique... c'est l'insondable. Un lieu quelque peu écoeurant dans cette histoire de la médecine et aux communs des mortels. Les bons en avant sont toujours suspects. Quelle histoire définitivement !
La Salpêtrière garde le mythe des origines : Charcot et ses belles hystériques.
Ne parvenir à s'échapper qu'au bout de treize ans comme le fit « Augustine »  
Quelle endurance ! Toujours une femme derrière un grand homme. Au moins.
Le chapeau à plumes tremble.
Et on finit par s'attacher à l'obéissance, de celle qui se croit forcément en-dessous de tout. Alors le grand Jean-Baptiste Charcot... Un miracle de verrouillage. 
Il n'a jamais fait bon être fou.


Etre une folle. Cette femme-là qui va vous élever, vous éduquer, vous apprendre, vous enseigner, tout ce que vous serez seule à dire, et qu'elle croît vous le léguer. 
Un conte. 
Quand cette femme est folle, elle est impayable, corvéable à merci. Quand c'est quelqu'un dont on peut être sûr qu'on n'aura jamais à le remercier justement, autrement qu'en en faisant un objet de conversation. Contre tout ce qu'elles vous ont révélées de vous-mêmes.

Augustine d'Alice Winocour.
Avec Sherggy, nous formions un groupe, une bande organisée et faisions comme nous pouvions des blagues dans un lieu sinistre quoi qu'on en pense. Jusqu'à être punis, enfermés dans nos chambres respectives. Pas longtemps.

L'horreur de l'hospitalisation.
 A Sainte-Geneviève des Bois m'étant massivement cassée la tête à propos de l'HP globalement, le reste, après, semblera toujours mieux qu'un lieu lointain à cafards et à chiffons plein de merde. Ils oseront même dire à ma famille. 
"On va la dégoûter de l'hôpital psychiatrique."
Un décor crasseux voilà ce qu'ils proposaient, alors que c'était vrai. Le dégoût peut-être l'un des principal instigateur de la folie. Là on n'inventait pas ce dégoût, on le laissait proliférer. A ce point ?!
Saleté et méchanceté réunies, et faire la vaisselle comme les souillons du XIXe siècle, la vapeur moite à l'odeur nauséeuse. Nous aussi ayant déjà la chance d'être hospitalisés, moins relégués qu'avant hier, quand nous étions à préparer dans les sous-sols de la Salpêtrière, les repas de l'hôpital et d'en faire aussi la lessive. Elles le devaient. Et avec en prime le droit d'être examinées/humiliées comme des animaux de foire – quand aujourd'hui on geint contre les abattoirs – comme les monstres dans de petits bocaux qu'on pouvait voir encore dans les foires des années 60.
Elles aussi objets d'expériences, de surcroît.
Les plumes qui s'agitent marquent le début de la comédie d'Augustine et des autres. Maladie d'amour. Dévergondage hystérique juste pour vous plaire Monsieur Charcot. Vous imaginez ? Et tous ces hommes n'ont pas tant de joies auprès de leurs régulières.

Mais sinon espérer le faire passer le temps, c'est ce à quoi nous nous appliquons avec force.
J'ai dessiné la fenêtre de ma chambre et datait de quel siècle ? 
Des grilles sur des grilles, des petites ouvertures pour un peu d'air. Si l'été venait jusque-là. Une imagination folle de ceux qui les avaient conçues.
Maintenant les larges baies vitrées sont globalement à la mode, à l'opposé de ces fenêtre pas si grandes, mais tarabiscotées. Pour donner un p'tit air de liberté ? Pour faire grand jour sur l'horreur, au loin ? 
La vie.

Ces nouvelles baies vitrées qui me donnent immédiatement l'envie de sauter et renvoient toutes à ça pour moi. Se jeter dehors, un dehors auquel nous n'avons plus vraiment droit. C'est trop grand. Et avec ce faux air de liberté tellement menteur et hypocrite jusqu'à la cruauté. On n'y voit rien. Et ces ouvertures à l'espagnolette où l'on ne pourrait même pas y glisser un bras. 
C'est une autre erreur.
A Perray-Vaucluse, enfermée, une patiente avait réussi avec force rage et dernier feux de nos artifices, à détruire l'une de ces baies au verre pas si securit. Elle a frappé si fort et avec une chaise et a tout démoli. Elle essaye de passer puisqu'ils l'avaient enfermée car elle bavardait de l'un à l'autre sans rime ni raison, les médocs ne l'ayant pas encore stabilisée.
Résultat : une hémorragie de l'artère fémorale en essayant de sortir. Je pensais qu'on en mourrait forcément. Mais non, et elle revient deux jours plus tard.
Ce retour a pour moi un caractère si tragique, presque aussi insupportable que la mort. Elle l'avait son bobo et qui la clouait à la même hospitalisation, comme on est au mitard. A quoi bon... Maintenant qu'elle était immobilisée sa porte restait enfin ouverte, au moins. Immobilisée.

A l'hôpital j'écris – enthousiaste – bientôt une petite histoire sur notre trio déjanté. Je la donne un matin à l'une des psychiatres.
Alors Sherggy fut rendu furieux.

Il se plante à l'entrée de ma chambre. Il a retiré son oeil de verre.
C'est étrange, étrangement drôle aussi, et je suis désolée qu'il soit aussi fâché et ne m'y attendais pas. Je n'étais pas sûre jusque-là que cela ait de l'importance aussi pour lui. 
Notre compagnie, notre bande. Cela n'a pas duré. Il est tragiquement comique de le voir se tenir debout-là, se voulant un visage terrible et courroucé qui ne me fait plus peur. Même sans l'oeil. J'essaye de ne pas rire pour ne pas le blesser plus encore. Notre amitié durera.

Cet homme-là qui est peintre en tout, me fit ressentir mieux que personne avant lui, la densité de la beauté de la nature, sans m'y obliger, sans me l'apprendre, mais parce qu'en fait il en était un peu le patron.
Observer est une lente balade. Assister en silence au spectacle de la beauté. La nuance de tant de verts pour chaque feuille jusqu'au mystère des frissons en particulier qui viennent faire de la lumière et dessinent l'au-delà de l'écorce en vert de gris. 
Avec lui et quand j'allais le voir à l'hôpital de Villejuif, ces arbres parlaient, donnaient ou prenaient vie, leurs branches remuées par un souffle, penchant leurs têtes au ciel. C'est comme si on pouvait composer, et imaginer pouvoir aussi travailler ce nouveau regard.
Et le mieux que je pourrais essayer de dire de cet homme, je l'ai d'abord tracé en 1992, quand je l'ai rencontré. 
C'est ce que j'ai écris-là, la vraie raison de mon courroux. A vif nous tous à l'HP.
A la Salpêtrière :


LES EGAREMENTS

Il était un jour un très petit enfant égaré. Perdu en un asile de fous. Allées, venues. Allées, venues. Et tant de pas perdus. L'enfant n'osait plus seulement dire « merci » ou « s'il vous plaît », tant il craignait d'avoir offensé l'univers.
« Oublieux » répétait-il « Je suis oublieux ».
Il restait bien au-dedans de lui de l'eau. Très peu d'eau pensait-il, trop peu pour oublier, ne sachant plus s'il avait fait tout exploser à force de larmes.
Il marchait, et tous de sursauter dès qu'il s'approchait. Eux craignant son égarement et ainsi le désignant . Eux croyant le reconnaître, et ne le voyant pas, lui qui n'était ni ange ni démon. Mais seulement une souffrance qu'il transporterait partout et ailleurs, loin... loin. Là où cela fait plus mal encore, dans ce pays étranger qui lui restait encore : la folie.
En voilà de la tristesse sur tous ces murs, pensait l'enfant. Et en colère contre Celui-là en haut, contre quelques autres d'en bas, et contre lui-même autant, une larme se détachait. Certains soirs il braillait pour ne plus rien entendre, criait pour ne plus rien savoir. Et d'une échelle de corde faisait un papillon.
Cet enfant gardait en lui une cicatrice étouffante, brûlante aussi, puisqu'il n'osait poser sa main sur une épaule sans frémir. 
Une main de l'amitié qu'il semblait aussi avoir perdu depuis très longtemps, alors qu'il n'était qu'un enfant, un autre, un tout petit enfant. Et dans l'un de ces lieux d'absence, il s'y nicha comme en un cauchemar. Lieux fondés par tous et par toutes, échafaudages de solitude, vertiges du vide.
En ces lieux-là, asiles, hôpitaux de fous, il entendait des voisins parler – autrement dit des voix – et c'était un autre égaré qui pleurait.
 Il soupçonnait des rires contre lui, partout où il n'était pas, partout où son ridicule de toujours aussi, faisait ce grand oeuvre de démolition qu'il avait dû choisir. Et c'était pourtant seulement la maison qui tremblait. Il avait peur. Et c'était le silence qui s'allumait.
Que dire encore qui éclairerait autrement l'enfant, non sous « son meilleur jour », mais sous des jours et des heures qui le rendraient humain. Le soupçon était grand. L'enfant cherchait à s'éloigner du monde, alors que la foule venait à lui : blouses blanches et médication de couleurs, barrières, tromperies et ennemis apitoyés.
En l'asile il était à l'ombre d'une vérité seule. Celle de sa folie reconnue, folie-sienne disait-on. Folie improvisée, imposée et indispensable égarement afin de ne pas tout perdre.
De l'asile il ne sortait plus, de gré ou de force, car toutes les mains tendues lui semblaient noires et sales, encrassées de cette vie si loin et de cupidité éternelle. Et l'enfant s'endormit.
Un hurlement l'éveilla. 
Mais il compris presque aussitôt qu'il s'agissait d'un chant. Vrai celui-là. Ailleurs ce hurlement en lui, ici le chant le plus doux. Et la maison n'était plus vide. On y mettait la table. On y prenait le temps et le déposait là devant lui, seul présent possible.
Des voix d'enfants et il riait enfin. Deux coeurs amis, des coeurs malades à leur tour se plantaient face à lui et l'invitaient, lui étonné, ébloui. Et si c'était vrai ? Qui lui tournerait le dos à présent ? Il ne savait pas encore très bien, mais les deux enfants existaient face à lui.
Il s'endormit encore et s'éveilla cette fois habité. Plus seulement par des mots isolés, chargés de foudres et de guerres, perdues jusque-là et prenant toute la place, mais par le miracle si bête d'être entendu.
Les deux malheurs conjugués, l'une joviale, l'autre plus grave, savaient pourtant toujours laisser venir le rire qui naissait entre eux trois, et devenait leur marque. Et ils avaient le sentiment que ce rire recherché, si profond en eux et pouvait les guider. Et mégalos comme ils l'étaient et comme il se doit, ils pensaient de plus que leurs rires nourrissaient la terre et la transformeraient.
Deux de cette sarabande étaient de confession israélite quand les gens ne veulent pas dire des Juifs, et tentaient d'expliquer, inquiets, à la plus effrayée qu'il n'était pas bon de lire la Bible seule. « Ça ne se fait pas...faut le faire à deux... » Intelligence aigu du Judaïsme. 
Ben... elle continuait quand même, comme ayant à ce moment-là de leur détresse à trois, une espèce de protestantisme au-dedans, puisqu'elle était aussi seule que les deux autres. Et voulait que ça résonne.
Bien qu'étant devenus arpenteurs de la désolation, ils tentaient de faire vivre cette dernière flamme en leurs âmes. Et pour sauver le monde, rêve de chaque fou, les trois enfants et comme de vrais amis qui ne se connaissaient que d'hier, inventèrent le printemps.
On dit à présent qu'ils vivent dans une sorte de nuage, sans perdre la raison qu'ils avaient protégée jusque-là. On dit aussi qu'ils sont vivants.

Sherggy le nabab criait, il crie sa solitude. Et quand j'ai son âge à présent, je comprends mieux. Une solitude d'hiver et qui rend fou, plus fou, ajoute des couches et ne retire rien à la peur constante de trop fou, trop d'égarements, trop de peine, trop mal.
Sherggy hurle sa douleur jusqu'à brûler son appartement et presque toute son oeuvre. Il n'y arrive plus. Votre histoire d'autonomie pour un fou ça peut devenir la porte de la mort bientôt. Qui d'entre vous veut rester seul face à sa solitude en toute autonomie. 
C'est insensé, c'est impensable. 
Et ce n'est pas de jouer aux dominos l'après-midi qui réglera grand chose. C'est pourquoi je m'explique mieux ceux qui attendent sans hâte un appartement, qui persistent et signent à l'hôpital, pendant des années finalement comme si ça pouvait leur être une deuxième maison. Et entre nous nous reste une sorte de voisinage au moins.

Il marche à Villejuif son seul asile jusque-là, à ce point. Il ne lui reste rien. On lui fait des électrochocs qui l'apaisent dit-il. Et c'est sûrement vrai. Mais lui enlèvent des bouts d'une mémoire dont il ne veut plus de toute manière. Il le note avec lassitude.
C'est quand le traitement ne répond pas comme ils disent, que ça devient tellement douloureux. Mais c'est la vérité qui blesse.
On n'est plus jamais heureux quand on apprend qu'on est fou. Ni lui ni personne. 
Et la jeune fille de la Salpêtrière se lasse un jour d'être devenue fan de la folie, de sa folie en propre installée là justement.

C'est pas à la guérison que l'on doit tendre. Cela ne marche pas. Mais à des réunions et pas quelque chose où tout le monde serait principalement honteux.
Après avoir été hospitalisée je devais aller tous les mois voir le psychiatre au CMP. 
La salle d'attente vide, parfois deux ou trois personnes. 
Et ceux et celles que je reconnais osent à peine me dire bonjour. 
C'est notre propre langue dont nous devons chercher le sens et l'oser. C'est une autre langue dans la langue. 
Et si tout le monde continue de feindre de l'ignorer des temps noirs s'annoncent. Pour tous.

Nos maladies sont toutes inguérissables, c'est dit et c'est noté. Pas si différemment d'une névrose qui s'accrochera aussi toute votre vie et qui peut faire du mal autant et pire, mais dont la psychanalyse peut apprendre, apporter une forme de gestion des troubles.
Notre folie, nous obligera à des soins constants, à des médocs à vie pour presque tous. Un monde qui continue de dérailler sans que l'on soit obligé de tomber dans un excès qui finit par détruire.
Mais ensuite qui nous apaisera une fois le stigmate tatoué. Le peuple des fous ne doit pas plier l'échine. Il est possible qu'un jour quelqu'un ouvre la porte.
En attendant certaines feuilles frémissent comme des clochettes.
De tous ces arbres que Sherggy a peint.