mardi 13 novembre 2018

LES PLIS DE LA BARONNE







Khrourchtchov - Il y a dans les gens beaucoup de choses qui m'échappent. Tout doit être splendide chez les gens : le visage, le vêtement, l'âme et la pensée… Souvent, je vois un visage splendide et des habits à en rester bouche bée d'admiration, mais l'âme et les pensées — mon Dieu ! Sous une belle enveloppe se cache parfois une âme si noire qu'aucun maquillage ne pourrait la blanchir…
L'esprit des Bois Anton Tchekhov (1860-1904)






Une vraie mocheté et/ou pire encore.
Moche comme celles qui se pensent et veulent être encore belles « comme avant».puisqu'elles l'ont été, et qu'un miroir ne répond jamais comme on voudrait, on y voit parfois qu'un souvenir.
Moche comme toutes celles qui ont toujours cru pouvoir avoir le beurre et l'argent du beurre, de la beauté aussi. Sûres de tout empocher. J'y reviendrai plus tard.
C'est principal cet adage qu'il faudrait entendre une bonne fois, en beaucoup de domaines, au lieu de rigoler et principalement de cette crémière comme on le fait, comme on croit être au moins pote avec, lui claquer les fesses, croire qu'on la dupera elle aussi. Imaginer qu'on y arrivera à cette totalité à laquelle on n'accédera pas, jamais, jamais tout comme aussi chacun qui s'en charge le sait. C'est croire dur comme fer au crime parfait. Se mentant pour ses beaux yeux, pour un leurre auquel on tient tant, je ne sais pourquoi.
Le croire tellement encore, tout gagner, sans vouloir jamais s'aligner sur les nouvelles beautés du temps qui passent, et auxquelles personne ne semble vouloir ni penser ni pouvoir regarder. La beauté sans plis, tellement espérée au lendemain d'une fête qui ne dure que quelques années.
Si on cherche à rajeunir ou si même on y pense, on se signe aussi un espèce d'arrêt de mort inimaginable. Cette quête de quelque chose d'immuable et qui fige seulement. Un masque neutre derrière lequel plus rien ne se joue malheureusement. Une beauté qui cherche à se réparer et casse finalement son avenir à force de méfaits, signés sur le visage principalement. On le voit, on le sait, on assiste à ces défaites comme on dit sans comprendre ce qui les mène, ces beautés qui au fur et à mesure de leur vieillissement prétendu, prévu, en rajoutent d'une fausse jeunesse en pommettes hautes et tendues, bouches épaisses, mortes elles aussi, enfin comme des algues, et ne supportent plus certains plans.

Plus on vieillit et plus cette frénésie d'une quête de la beauté fait rage. Cette peur intense et aussi de la disparition. La vraie torture des actrices et de toutes celles qui ont voulu leur ressembler, sans croire devoir en payer aussi le prix fort. A gagner quoi ? Entrer dans des années d'oubli que les comédiennes vivent comme personne ne s'en doute ? Faire jeune, un devoir imposé, comblé par une jeunesse qui ne reste pas, un savant mirage, une obligation effroyable. Un emploi. Un pacte sombre qui ne supporte pas nos nouvelles espérances de vie.
A un moment donné chacun tombe et est vieux. Ce qui n'est ni une maladie où le visage finirait par ne plus avoir de sens. On reconnaît les tricheurs, c'est ainsi. Et les autres aussi, puisqu'on ne sait plus regarder non plus qu'au travers de prismes imposés depuis si longtemps.
Mais elle existera la beauté de tous les temps, si on décide de s'en approcher et de sortir de vos clichés.

Depuis internet on peut tous s’inventer des bobards de noms et de visages. Un rêve de soi. Une embellie provisoire et pour tous, il y a dix ans plus encore, c'était l'orée du bois. Et c’est là d’abord que je l’ai connue la baronne, sur la toile.
En vrai, à cette descente de train à Chambery, c'est une vaste défaite à laquelle j'assiste, qui se confirme et que je constate sur elle dans les lumières contrastées du hall de la gare, bourrée de rides malvenues comme je ne l’avais pas imaginé. Une désolation imprévue qui m’étonne au regard de la photo qu'elle avait mise d'elle en ligne. La photo était donc ancienne et loin de la vérité de cet instant-là, où la laideur va toujours vous déranger, à regarder chaque fois, espérant une autre surprise. Celle-là maltraitée par toute une histoire à laquelle peut-être elle ne veut même pas y croire ni l'entendre, au point qu'elle se grave à son insu.
Je me reproche de m'arrêter autant à l'apparence, comme on la nomme, superficielle à mon tour. Elle qui exprime tant de fonds, de bas-fonds aussi qui nous ont tous traversés. A cet instant et quand je m'avance, je me sens déjà navrée d'être alors chiffonnée, de suite mal à l'aise. Exigeant comme de force la beauté au moins. Sa dictature me concernant aussi ?
Pourquoi est-ce que je réclame autant de la beauté comme tout le monde ? Si c'était aussi simple.
Et si ma réclamation était plutôt de l'ordre du vrai, celui qui embellit toujours finalement. L'âme et l'esprit de la beauté sont bien ailleurs, là où personne ne semble vouloir les y chercher.

Sur ce quai de la gare – et chaque fois ce sera ainsi – j’en reste encore dérangée, déjà mal à l’aise. C’est très étrange d’assister à une telle déconfiture et qu’elle soit ignorée, déniée si loin. Nos traits nous appartiennent et nous démasquent. Persuadée d’être encore jeune et jolie, et à un point étonnant. Coincée dans un temps où le visage n'a pas cette modestie et cette audace qui aurait pu le rendre aussi finalement beau, même griffé de rides.
Le miroir ne répond plus pareil dès que la quarantaine se présente. Quelque chose nous lâche on dirait. Appelons-la jeunesse. A maturité on s’étonne d’être comme défiguré par un temps qui s’inscrit pour de bon, qui s’ajoute autant, mais qui raconte. Il faut le savoir. Largement étonnés, nous le sommes tous et même quand on fait jeune. Arpentant du regard pour retrouver une vraie image de soi. Et perdus tous. C'est le temps. On ne va pas s'imaginer qu'il ne dit rien. Et de quoi s'approche-t-on ?
J'ai aimé ce livre, Le portrait de Dorian Gray, le tableau de maître d'Oscar Wilde. Et on en est toujours là où l'huile raconte notre histoire, pas encore sèche. Nos actes jouent, s'inscrivent et ne se trompent pas. La laideur peut se nicher dans les recoins même de la splendeur. Nos drogues y pourront tout. Arrêter le temps, un miracle insensé façon google. Rester congelé, hiberner dès l'âge de 26 ans, disons.

Ses yeux bleus, à la baronne, au fond de trous d’épingle et soulignés par un trait de bleu aussi supérieurement mal dessiné, sur des paupières enfoncées. Tout cela me sourit bizarrement.
Si on accepte son temps, on doit juste le décorer autrement. C'est peut-être aussi simple. On ne s'embellit pas à cinquante ans comme à trente. Et je ne parle pas de crèmes anti-rides ni de tutoriels de beauté. Pas pour une norme, mais pour se dessiner avec et pas contre toutes les nouvelles marques qui s'inscrivent. Prendre le temps, le compter et finalement l'aimer. S'il nous ressemble.
On se trompe sur soi-même avec l’âge. On ne sait alors plus très bien qui on regarde dans la glace. Déclin et maturité se disputent décidément. On est toujours la même et pourtant on en est loin. Un déclin de la jeunesse qui frappe. Une maturité qui effraye. Et ceux, celles principalement qui auront beau chercher à coup de bistouri à défier ce temps, leur mensonge restera visible, terriblement visible pour certains finalement.
« Rhinoplastie ! Rhinoplastie ! Rhinoplastie ! » (Série Suburgatory)
Ils semblent l’ignorer et personne ne cherche ou ne peut les en dissuader.
La chirurgie esthétique est ce piège qui éloigne si définitivement de soi-même, quand on espère à ce point des retrouvailles avec ce qui meurt définitivement. Et on en aurait des regrets. Ni soi ni autre ni personne. Un accident qui défigure pour l'éternité justement. Le visage bientôt ne le supportera plus. On la connaît mieux depuis Sunset Boulevard la bouleversante douleur des comédiennes, de celles qu'on n'appelle plus. Comme si la cinquantaine – et elle est désignée là déjà dans ce film – serait le point de départ de cette désertion. La star du muet Gloria Swanson qui la montre et à 51 ans (on lui en donne 100) surjoue à plaisir... son propre rôle en quelque sorte, victime de sa propre histoire et celle de son image, qui peut aller jusque-là, le meurtre. Cette championne du muet, et qui ne connaîtra pas d'autre rôle à cet âge, que celui-ci, le sien, celui de la vieille actrice abandonnée. Dingue.
Gloria Swanson a une voix grave et superbe dont le parlant n'a eu que faire. Cette excellente comédienne, âgée, n'a plus d'histoire et ne compte plus, et pas seulement dans le film. Alors ses traits resteront falsifiés. Horreur d'un visage fou de rêves de jeunesse, d'immobilité, perdu dans le temps. Ne pas manquer alors à la fin du film, la dernière descente d'un grand escalier, comme une reine folle, et pour finir enfermée. Et Eric Von Stroheim qui l'aime autant, dit « Action ! » pour qu'elle se laisse embarquer par la police au pied de l'escalier, après le crime, sans violence, pour l'entraîner sans autant de douleur et une dernière fois.
« Moteur ! » Elle ne l'entend plus, elle descend, elle est si loin d'elle-même ou dedans cette illusion atroce. Journalistes et policiers la regardent, bluffés et effrayés. Muets.

L’illusion de ce trafic de visages restera pourtant si fugitive. Même Madame L’Oréal ne peut plus rajeunir malgré tout ce qu’elle vaut. Et porte à présent le même masque d’où elle ne peut plus retirer un sourire qui ne s'adresse à rien. Visage en balafre.
Qu’est-ce que la beauté quand quelque chose cloche, si on y regarde bien ? Ils, elles, ne sauront plus jamais la vérité de leur visage. C'est peut-être ce qui importe. Il prend une autre route que celle prévue. Personne ne s'y retrouvera, mais peut-être n'est-ce pas là l'important.
Pourtant défiguré à présent a plus d'un sens. Ces visages refaits frémissent de quelque chose qui brouille le regard à la longue.
Quand je regardais celui refait d'une proche – et avant même qu'elle ne m'en parle je distinguais une sorte de visage brouillé, flouté et sans comprendre – et c'était visible comme des traits définitivement redessinés ailleurs, à mes yeux. Elle ne retrouvera jamais la force et l’intensité de son nez d’aigle devenu nez standard et qui ne lui appartient plus, comme si l'ombre de l'autre pesait toujours. Est-elle belle ? Elle se préfère ainsi et quelqu’un a du jadis se moquer sans doute, un jour, avant. Ou quelle image inventée de soi-même ?
On peut prétendre améliorer les restes, pour quelque temps. Un répit contre la vie qui file en minutes et secondes fines et speed.

La chirurgie esthétique présuppose que l’on ne vive pas trop vieux, et partir à soixante ans c’est le mieux. Sinon les rides se superposent et se frayent finalement toute la place autour d'yeux écarquillés dans leur lutte contre les pattes d’oie, toutes ces rides pourtant intéressantes et pourquoi ne les dirais-je pas belles ? Et qu'est-ce qui me retient, sinon comment mon propre regard a été à son tour atrophié, commandé à son tour.
Alors finalement comment lire ces visages cruellement rafistolés de Catherine Deneuve ou de Nathalie Baye ? Elles y passent toutes presque. Et il faudrait l'apprendre. Elles deux ou trois ou beaucoup, comme si elles ne pourraient pas faire confiance à leur beauté initiale. Comme s'il y avait eu trahison et qu'elles demandaient réparation.

Ce sont les hommes qui décident de tout finalement. On les laisse.
Triomphe d'eux et maltraitance parfois. Et bien sûr que le cinéma alors est si violent avec les femmes. On le crie et s'en accommode, à faire défiler des générations de jeunesses qui se consument trop vite. Au moins c'est là que l'on assiste en direct à des défaites méchantes et pour beaucoup. Difficile d'y échapper à l'envie de se refaire, comme un joueur addict, de ne pas croire que cette fois-là sera encore la bonne. Et jusqu'à quand ? On perd ce que l'on cherche. Aux vieux-beaux, les vieilles-moches. Qu'est-ce que ça veut dire décidément ? Et j'observe tout cela pour moi aussi. C'est parce que la question m'est posée que j'y réfléchis. Dans la glace.
La femme de cinquante ans n'a plus de rôle, et même les plus joueuses, sinon quelques exceptions dont Isabelle Huppert par exemple, et semble ne pas en rajouter du côté du rafistolage, elle d'ailleurs plus proche des soixante ans et avec brio. Belle. Désirable ? C'est autre chose. Qui rêve d'un vieux corps assoupi ?
Alors qui la désirera cette femme de cinquante ans, elle plus dans aucun créneau, même plus ménagère ? La femme de cinquante ans n'existe plus. Sinon avec « fuites urinaires ».
Mes cheveux sont devenus d'un gris-joli comme ils le disaient, et elles le disaient principalement, tous et toutes, et « comme ils ont une belle teinte, ce joli camaïeu de gris » et autres fadaises. Je regardais autour de moi et dans la rue – encore voir – et c'est un don pas si difficile à obtenir... Personne, aucun homme ne me regarde. Quand les regards de vieux aux cheveux blancs me croisent, le leur est totalement indifférent. Je suis devenue transparente.
Je redonne plus tard, décidée, de la couleur à nouveau à mes cheveux, je les teins (et ça ne tiendra pas longtemps, il ne faut pas se moquer du monde...). Quand en grisaille on me laissait la place dans le bus à 50 ans, trafiquée en cheveux de jeune je croise quelques paires d'yeux un peu plus intéressés, même si dedans il y a plutôt une question qu'un véritable intérêt. Un mythe et ils y croient. Mais j'ai cinquante ans et plus, ils le devinent même s'ils hésitent. Je n'entrerai plus dans le cadre. Quel âge ? Ils le savent.
Ça fait fuir de ne plus être aussi idiote. D'avoir vécu. D'être lourde de souvenirs dérangeants. De savoir. Cette femme savante n'existe pas. Et surtout plus dans un lit...
Il n'y a pas beaucoup d'exception pour les hommes. Tellement rare que je ne sais même pas quel point dans le ciel leur donner.
Bientôt, des actrices on ne voit plus rien finalement. Rajeunies ? Elles sont bientôt plutôt hors du temps.

Alors à présent, maintenant, comment vivre cette nouvelle « vieillesse » quand on meurt bien plus tard que l’espérance de vie allouée jusqu’au milieu bien avancé du vingtième siècle, et dans les pays riches s’entend ? Le corps se décompose plus lentement, mais tout de même. Il faut réévaluer ce que l’on appelle la beauté. Les affres du temps sont à repenser, puisqu'on l'aura ce temps pour nous observer et nous voir « décliner » comme ils disent, ce visage qui avait avant tout son sens. Alors qu'est-ce qu'on regardera ?
C'est le regard qui compte, et celui du masculin singulier qui l'emporte sans que cela ne fasse aucun doute. Et de quoi est-il fait ? Seulement de rêves d'immortalité ? Minauder devant des corps de rêves.
Les couguars c'est malheureusement encore risible et on s'en doute. L'amant plus souvent escort, plutôt souvent quelqu'un façon gigolo et que l'on achète, puisqu'ils sont extrêmement rares ceux qui aimeront réellement la femme plus âgée. Même à l'histoire d'Emmanuel Macron je n'y crois pas, quand je découvre comment sa femme s'est décorée, et je suis gentille. La différence d'âge assumée ? Une vraie impasse et y a un truc qui finira par se voir...

Aimer une femme de quarante ans n'est pas la même que d'être attaché à une vieille de plus de soixante ans. Ça se voit. Agatha Christie plus âgée de 15 ans d'avec son deuxième mari, décidée elle a demandé une sorte de permission à son entourage. Sur les photos elle est devenue une vraie bonne-femme-de-son-âge. C'est un choix. « Un archéologue est le meilleur mari qu'une femme puisse avoir : plus elle vieillit, plus il s'intéresse à elle... » Gente dame.

Mais bien sûr que quand un vieux sort une jeunesse, tout le monde s'en fout. C'est connu. Il peut jouer le père. Le vieux gamin aussi, ça lui va.
Les hommes sont tous dans un timing où il n'y aura pratiquement rien à retaper, c'est ainsi (et quand certains s'y essayent c'est pour leur plus grand malheur aussi, sans parler du cas désespéré de Mickey Rourke, un cliché défiguré à son tour ou les Bogdanov qui sont passés de l'autre côté), cela depuis l'antiquité au bas mot.
Des hommes on accepte largement de les voir vieillir. Ils deviennent moches, ça devient trogne plus ou moins belle, mais généralement acceptable. Séduisants encore, eux aussi finissent en visage qui ne ressemble plus à l'original, mais ça n'est pas considéré comme tel, ça semble moins laid et pourquoi ? Ce visage aura on lui trouvera du caractère quand les femmes tombent en archives.
Regardez leurs tempes de moins en moins grises sans objections, leur embellie qui fait long feu. Quant à ces tempes par exemple, si elles sont seulement grises en effet et le reste noir, un rafistolage pour les soixante-seize ans de Jack Lang qui croit qu'on n'imaginera pas que c'est du faux, comme si ça s'appelait dénoncer. [Aux dernières nouvelles, il a tenu compte de cet avis puisqu'il revient en gris ces temps -ci. (Ndlr)].
Mais autant la stupidité de la teinture entièrement noir corbeau des cheveux du Président de la République de ce temps, François Hollande et bientôt partant. Le Benoît XVI de la politique puisque c'est ce qui sera retenu de lui, et aux soixante piges tapées. A qui compte-t-il ressembler ? Prenons le comme exemple. Avec Ségolène Royal il a deux ans de différence, un compte courant avec la première personne avec qui on s'installe. Avec Valérie Trierweiler, dix ans de différence. Avec Julie Gayet dix-sept ans. Ceci explique peut-être cela. Même pas poivre et sel. Non, jeune. Parcours classique. Une sorte de principe de Peter. Imaginer l'inverse ? Non ça ne colle que très rarement sinon en Amérique plutôt, et fera jaser en douce.
Si Chirac était « super-menteur », Hollande aura été super-tricheur persuadé d'avoir une martingale.
C'est amaigri qu'il vous a fait sa campagne de 2012. Notable quand on sait comment cela fini. Dès l'instant où il devient le chef, il se goinfre à nouveau. Quand on dit ça on hollandbashise. Ben voyons... Rattrapage d'un retard aussi vite ? « …aussi gros que le boeuf... » Le Président ne pouvant pas bouder la cuisine de l’Élysée, elle est le refuge de François Hollande. Il la regrettera.
Et sinon quelle leçon lui donnera la vie, de cette normalité dont il s'est targué en 2012, bardé au mépris de tous les anormaux ? Si c'est pas de la triche, c'est quoi ? Il est tellement dingue de pouvoir que ça pourrait même finir mal. Pour qui ?

Depuis que j’entre dans la vieillesse, il me faut réinventer le monde si je veux échapper moi aussi aux clichés que l'on va chercher à prendre de moi, à essayer de m'y cantonner. Conquête perdue d'avance.
La baronne à la gare m’avait tellement épatée sur internet que je me refusais à voir son seul visage, ce tableau de Dorian Gray sur lequel je posais un chiffon. Et comme si je l'aveuglais ou soulignais son propre aveuglement. Aveugle ou clairvoyante ? C’est à lui que je pensais immédiatement et combien Wilde avait raison de décrire à ce point l'évidence d'un visage aussi simple miroir de nous-même et marqué par nos actes. Les canons de la beauté comme une guerre de tranchées et en règle. On ne peut pas faire n'importe quoi de soi-même et plus tard réclamer son du. Ça finit par se voir.
En fait, je l'avais vue auparavant, la baronne. Une fois. Cette première fois à Lyon, quand nous nous étions retrouvés certains de ce Forum de dingues que nous fréquentions. Et nous y avions croisé une part de nos peurs et de nos hontes. Ça n'était pas si désagréable, comme des rideaux se déchirent.
Elles deux. La baronne qui a pris déjà la main sur une femme qui doit avoir à peu près mon âge. Les deux plus malades et les deux plus moches, comme des diamants retournés dans leur gangue. Les deux qui avaient l'air le plus atteintes. Et croyez-moi, par quelque chose d'autre que la folie ou la raison maltraitée dont nous avions tous écopés.
Quelles douleurs avaient-elles traversées, et encore, pour avoir fabriqué ça d'elles-mêmes ? L'une, d'une maigreur qui la faisait squelette, cachectique, encore plus loin qu'anorexique, décharnée sans solution. La terrible maigreur elle aussi ne supporte pas les ans, image macabre irrésolue en elle. La mort avait pris les mesures.
La baronne la surveillait constamment des yeux et ne la lâchera pas ni cette baraque de luxe de Caluire, la banlieue la plus chic de Lyon, historique aussi. Ni son objet de magie noire. Elle est intéressée.

Il y a des échanges de fluides entre beauté et laideur durant la vie. Revoir Serge Gainsbourg embellir au fil du temps, oui, à l'allure de cet uniforme distingué qu'il s'est inventé. Sinon Delon finalement aussi moche qu’il avait pu le laisser prévoir, à seulement étaler une beauté arrogante dans sa jeunesse. A 50 ans le visage de serpe de l’ami de Jean-Marie Le Pen commence déjà à se déliter. Alors maintenant… On n’embellit pas à l’extrême droite comme ils aimeraient nous le faire croire. Les traits de haines finissent un jour forcément par se voir. Même Marine prend un coup de vieux face à la jeunesse provisoire de Marion la fixant à son tour. Tant pis, elle liftera comme on fait un check-up.

Qu’est-ce que ce rêve de jeunesse inaltérable sinon notre prochain défi ? Et si l’arbre de la connaissance auquel personne n’aurait du toucher comme le pensent des esthètes, n’était finalement que cette connaissance là, un savoir du temps et celui qui passe, contre l’éternité paradisiaque. Une naissance dans la douleur et la nudité des vieux devenue effrayante ? Adam et Eve ont vieilli d'un seul coup et s'en aperçoivent.
Si la vérité pouvait dessiner quelque chose de plus beau que la beauté même ou son idée ? Embellir l'âme, la soigner aux petits oignons, la nourrir, la vêtir pour l'éternité. S'éclairer. Il y a des vieux et même des vieilles de lumière, comptez-les. C'est un ordre !

Sinon l’enthousiasme, le mien, qui est si difficile à freiner. Il fait comme un bolide et on ne le ralentit pas si facilement. Il couvre l'autre de parures souvent inappropriées et qui finissent par lui peser, à force. A eux. Et ils me forcèrent à me taire.
Cette femme, la baronne, avait développé un discours qui nous fascinait tous sur le Forum de fous où nous nous étions tous rencontrés.
Une bascule radicale de notre relation avec la maladie ces forums d'internet. Nous échappions absolument à la solitude habituelle de la folie, à la maladie tout en restant aussi farouchement et douloureusement seuls. Mais la perspective est toute autre.
Les propos de la Baronne sont toujours rares et mesurés. Intelligents. Elle semblait avoir dépassé quelque chose de la maladie (mentale) qui nous réunissait tous. Une longue marche dont elle parlait en propos pesés, mesurés.
Comme une joute, j'avais déjà de mon côté le désir ardant de rendre notre maladie de l'âme flamboyante et qui les blufferait tous, et moi, puisque j'avais bien compris qu'on n'y échapperait pas.
Cette folie terrible dont elle s'était « sortie » elle et si difficilement, elle l'exprimait parcimonieusement mais justement. Elle maternait les plus faibles avec brio et devint vite un refuge, sa spécialité, là-haut dans les effrayantes montagnes de la Savoie où je me suis toujours sentie dépassée, cernée, étouffée. Pressée d'en découdre et de m'en aller. Détestables hauteurs qui ne suffisent jamais. Jamais pouvoir observer l'horizon que j'aime, là où il est barré de sommets. Apaisée principalement quand la mer se baigne dans le ciel, au loin.

Et son intelligence dont j’ai autant été déçue comme on voit une façade et derrière elle rien. C'était juste un décor. L'intelligence aussi peut devenir un appât séduisant. On allait parler, entre ressuscitées... que je croyais... Elle cassait systématiquement la discussion qui s'entamait. Au final elle avait au plus vite sommeil, comme on a la migraine.
Le savoir peut être aussi un objet d’embellissement, et pour elle avec. Une vitrine seulement, comme les faux livres d’une bibliothèque décorative. Plus grave encore quand on est intelligent ce qui aurait pu nourrir ces livres de vraies pages qui auraient eu un sens.
La baronne connaissait cependant une peur essentielle et qui détruisait le bel arrangement de ses pensées ou les exprimait, c'était de redouter à ce point l’ennui. Il l’effrayait, avouant par là pourtant la superficialité dont l'ennuyée faisait l'objet. On comprend vite à force qu’on est jamais qu'un passe-temps. A chercher ce qui la désennuierait. Elle le trouva.
On peut alors voir le savoir comme un autre maquillage. Un fard seulement qui ne nous intéresse pas forcément, mais nous pare. Apprendre, aussi une fabrique à ornements, même au plus haut niveau ou surtout. Oui, le savoir minimal devient alors plus sûrement l'instrument d'un pouvoir qu'une vraie curiosité de l'esprit. L’intelligence au service d’une cause fausse, c’est se moquer du monde et en tirer profit.
J’avais envie de croire ou de me tromper, je ne sais pas. Envie de fabriquer une histoire inouïe où enfin la Seule Vérité (alors bien sûr fasciste), vrai droit à la parole qui triompherait… Paradoxe. Hélas. Je me mentais à moi-même pour une image rêvée dont je ne parvenais pas à décrocher.
La première impression est la bonne, alors je m’attachais à la seconde.

La baronne parle à Georges son nouvel homme, un dealer maquillé en auto-entrepreneur. Kate, la femme qu'elle couvait dès la première rencontre, comme si elle allait en faire son monstre, et vit à présent chez elle. Y agonise.
Il est onze heures du mat'. Kate est dans son lit installé comme elle l'a décidé, dans un recoin du salon, semblant encore endormie et moi sur le canapé. J’essaye de ne pas écouter les deux abrutis, déjà à cette heure au t-punch, qui reviennent de courses et lutinent en propos affligeants. Ils semblent être les seules personnes vivantes de cette maison. L'évidence aveuglante que l'amitié n'était qu'un palliatif. Un amuse-gueule. Constat récurrent. Nous sommes effacées.
Amour destroy, banal et bête, enfermé sur eux-même comme d'habitude, et nous des pantins puisqu'elle s'ennuie bien moins. Tout lui appartient alors et c’est ça le plus terrible. Le temps et l'espace elle en est propriétaire.
Avant aussi, après deux jours chez elle, je finissais enfermée. Ne sachant qui aurait raison de moi de la montagne ou de cette amie, sans aucun moyen de partir quand je l'aurais souhaité puisque loin de la gare, et en souffrant même seulement par principe. Pas le choix et ni de s'échapper. C'est ma claustrophobie à l'air pur. A la montagne être ainsi écrasée, est un doublon. C’est finir étouffée. Peut-être que l'on gravit des sommets depuis si longtemps pour lui échapper, retrouver finalement l'horizon et l'avoir mérité ? A la mer, il est offert.
La montagne est tout juste belle pour moi en carte postale forcément. Comme s'il s'agissait toujours et seulement du Berghoff en vision qui surgira quoi qu'il arrive. Mes seules montagnes possibles, celles de Corse, qui versent vers la mer de part et d'autre, comme on le ferait en luge.

Alors chaque fois je me trompais et y revenais. Il y avait une musique en moi à laquelle je tenais. Un truc imaginaire que je veux conserver à tout prix, comme une conversion possible, mais qui ne regarde que moi, je m’en apercevais. Trop tard.
Alors je comptais les heures qui me séparaient de mon prochain départ, sans retour. Ah non plus jamais ça ! Et je ne me ferai plus avoir. Je regardais navrée Kate, puisque j'allais l'abandonner. Indifférente à tout, c'est elle qui sait, allongée dans sa chemise de nuit blanche et lit avec obstination comme le font les enfants, s’évadant comme on le dit aussi. Dans quel ailleurs était-elle ?

La baronne a toujours été une hôtesse absente. Il fallait le savoir. Une interlocutrice nulle, et on pouvait s'en étonner longtemps comme je l'ai fait. Elle promettait des discussions qu'elle ne tenait pas et auxquelles elle ne tenait pas plus. La parcimonie de ses propos ne s'expliquait que parce qu'elle n'avait rien d'autre de plus à dire d'intéressant. Charmeuse comme les serpents. On s'imagine une grande histoire, et ce n'est qu'un fait-divers.
Elle disait que le passé ne comptait pas plus. « Vivre l'instant présent », sa passion. Et toutes ces fariboles d'Asie à quoi nous autres des étrangers qui n'y entendons rien et bricolons, nous appropriant, fabriquant des sortes d'erzatz. Quand on n'a pas grand chose à dire parce que pousser la réflexion risque de nous rattraper, nous et notre histoire, on s'invente des religions et personne n'a le droit d'y contrevenir.

Quand on comprenait qu'elle était mondaine avant tout – le mondain qui n'approfondit pas si c'est tellement de mauvais goût – et qui expliquait tout de la baronne, comme le disait ce surnom trouvé par une de ses nièces (ou la snob son autre formule d'enfant précoce), on en avait fini.
Le rôle qu'elle choisissait, forte de son expérience et de cette volonté de mener, était simplement de se rendre indispensable auprès des plus blessées et/ou de celles qui choisissaient de répondre à son appel. Mener la barque, entretenir les blessures, Münchhausen jamais loin.
Elle ne pouvait prétendre à ça avec moi, je ne le lui demandais pas. J'avais ma propre traversée. Je pensais qu'on pouvait au moins devenir amies.
Je leur avais dit à elle et Kate que leur jeu de malade/soignante finirait mal. Et j'avais peur pour Kate seulement, l'autre n'y était pas. C'était sans danger pour la baronne. Je n'ai pas su l'expliquer à Kate qui le savait sûrement. Mais si elle le savait, pourquoi cette fin à s'enfoncer soi-même et à ce point dans la gueule du loup ?

La baronne se regarde. Comment ai-je pu me tromper ainsi ? Parfois je vais vers ce qui me fait le plus peur et ce n'est pas la défense que je choisis. Bille en tête je finis terrassée !
C'est la laideur de ces deux femmes qui m'a parlée de suite. Il ne faut pas croire qu'on ne s'en veut pas d'avoir eu aussi peur. Dans ces cas-là et si je ne peux pas fuir, je fais ami-ami. Pas le choix. Alors si vous me voyiez dans ces moments-là. Je vais tout offrir, tout dire, je parlerai toute une nuit avec Kate quand la baronne dort. Sans arrêt (et pas interrompue, ce qui est mauvais signe). Ces logorrhées de quand j'ai la trouille. En profiter pour l'avertir de ce qui n'a pas encore tout à fait commencé, mais s'engage ? Ça peut m'arriver ces bavardages logorrhéiques si je n'ai vraiment pas le choix. Qui me fait peur ? Kate ou ce que la baronne va en faire ? Les deux.
Des visages comme des ruines. Encore si Kate prenait quelques kilos. Et quel rapport avec elle-même devait avoir la baronne, pour tenter de retrouver ainsi la beauté qui avait été inscrite clairement à son programme, hier ?
Finalement je suis partie, m'éloigner d'elles et c'était vital. Elles étaient allées si loin, elles. Si loin. Mais où ? Un pays de mensonges enneigés.
Quand on se sait belle, ça doit être toute une histoire. Les certitudes nous obligent bien différemment des doutes. Les beautés paresseuses finissent mal.
Un jour j'écrirai l'histoire de la baronne, c'est si dense, comme un thriller opaque. Un truc d'horreur, comme un livre de genre.
Mais quelque chose est torpillé en moi à cette idée. Non, je ne m'y risquerai pas. Mes personnages principaux j'ai avant tout besoin de les aimer, sinon je ne tiens pas sur la longueur. C'est pourquoi je ne serai jamais une vraie romancière.







































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